Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/597

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Que si le producteur, en faisant ainsi deux parts de ses travaux, ne se croit pas assez fort pour résister à la spoliation, c’est bien pis et les forces humaines se perdent sur une bien autre échelle ; car alors le travail cesse, nul n’étant disposé à produire pour être spolié.

Quant aux conséquences morales, à la manière dont les facultés sont affectées des deux côtés, le résultat n’est pas moins désastreux.

Dieu a voulu que l’homme livrât à la nature de pacifiques combats et qu’il recueillit directement d’elle les fruits de la victoire. — Quand il n’arrive à la domination de la nature que par l’intermédiaire de la domination de ses semblables, sa mission est faussée ; il donne à ses facultés une direction tout autre. Voyez seulement la prévoyance, cette vue anticipée de l’avenir, qui nous élève en quelque sorte jusqu’à la providence, — car prévoir, c’est aussi pourvoir, — voyez combien elle diffère chez le producteur et le spoliateur.

Le producteur a besoin d’apprendre la liaison des causes aux effets. Il étudie à ce point de vue les lois du monde physique, et cherche à s’en faire des auxiliaires de plus en plus utiles. S’il observe ses semblables, c’est pour prévoir leurs désirs et y pourvoir, à charge de réciprocité.

Le spoliateur n’observe pas la nature. S’il observe les hommes, c’est comme l’aigle guette une proie, cherchant le moyen de l’affaiblir, de la surprendre.

Mêmes différences se manifestent dans les autres facultés et s’étendent aux idées…[1].

La spoliation par la guerre n’est pas un fait accidentel, isolé, passager ; c’est un fait très-général et très-constant, qui ne le cède en permanence qu’au travail.

  1. Voyez Baccalauréat et Socialisme, tome IV, page 442. (Note de l’éditeur.)