Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/635

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l’acte, elle se résout en responsabilité répercutée, si je puis m’exprimer ainsi ; — que c’est encore un système de peines et de récompenses réciproques, admirablement calculé pour circonscrire le mal, étendre le bien et pousser l’humanité dans la voie qui mène au progrès.

Mais pour qu’elle fonctionne dans ce sens, — pour que ceux qui profitent ou souffrent d’une action, qu’ils n’ont pas faite, réagissent sur son auteur par l’approbation ou l’improbation, la gratitude ou la résistance, l’estime, l’affection, la louange, ou le mépris, la haine et la vengeance, — une condition est indispensable : c’est que le lien qui existe entre un acte et tous ses effets soit connu et apprécié.

Quand le public se trompe à cet égard, la loi manque son but.

Un acte nuit à la masse ; mais la masse est convaincue que cet acte lui est avantageux. Qu’arrive-t-il alors ? C’est qu’au lieu de réagir contre cet acte, au lieu de le condamner et par là de le restreindre, le public l’exalte, l’honore, le célèbre et le multiplie.

Rien n’est plus fréquent, et en voici la raison :

Un acte ne produit pas seulement sur les masses un effet, mais une série d’effets. Or il arrive souvent que le premier effet est un bien local, parfaitement visible, tandis que les effets ultérieurs font filtrer insensiblement dans le corps social un mal difficile à discerner ou à rattacher à sa cause.

La guerre en est un exemple. Dans l’enfance des sociétés on n’aperçoit pas toutes les conséquences de la guerre. — Et, à vrai dire, dans une civilisation où il y a moins de travaux antérieurs exposés à la destruction, moins de science et d’argent sacrifiés à l’appareil de la guerre, etc., ces conséquences sont moins funestes que plus tard. — On ne voit que la première campagne, le butin qui suit la victoire, l’ivresse du triomphe ; alors la guerre et les guerriers sont