Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/66

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Chaque fois qu’un progrès de ce genre se réalise, une partie de nos efforts est mise, pour ainsi dire, en disponibilité ; et nous avons l’option ou de nous abandonner à un plus long repos, ou de travailler à la satisfaction de nouveaux désirs, s’il s’en forme dans notre cœur d’assez puissants pour stimuler notre activité.

Tel est le principe de tout progrès dans l’ordre économique ; c’est aussi, il est aisé de le comprendre, le principe de toute déception, car progrès et déceptions ont leur racine dans ce don merveilleux et spécial que Dieu a fait aux hommes : le libre arbitre.

Nous sommes doués de la faculté de comparer, de juger, de choisir et d’agir en conséquence ; ce qui implique que nous pouvons porter un bon ou mauvais jugement, faire un bon ou mauvais choix. Il n’est jamais inutile de le rappeler aux hommes quand on leur parle de Liberté.

Nous ne nous trompons pas, il est vrai, sur la nature intime de nos sensations, et nous discernons avec un instinct infaillible si elles sont pénibles ou agréables. Mais que de formes diverses peuvent prendre nos erreurs ? Nous pouvons nous méprendre sur la cause et poursuivre avec ardeur, comme devant nous donner une satisfaction, ce qui doit nous infliger une peine ; ou bien sur l’enchaînement des effets, et ignorer qu’une satisfaction immédiate sera suivie d’une plus grande peine ultérieure ; ou encore sur l’importance relative de nos besoins et de nos désirs.

Non-seulement nous pouvons donner ainsi une fausse direction à nos efforts par ignorance, mais encore par perversion de volonté. « L’homme, dit M. de Bonald, est une intelligence servie par des organes. » Eh quoi ! n’y a-t-il pas autre chose en nous ? N’y a-t-il pas les passions ?

Quand donc nous parlons d’harmonie, nous n’entendons pas dire que l’arrangement naturel du monde social soit tel que l’erreur et le vice en aient été exclus ; soutenir cette thèse