Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/72

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ainsi anéantie sort du domaine de l’économie politique comme elle est exclue de nos inventaires ; car elle ne s’échange plus, elle ne se vend ni ne s’achète, et l’humanité en jouit sans efforts, presque sans en avoir la conscience ; elle ne compte plus dans la richesse relative, elle prend rang parmi les dons de Dieu. Mais, d’un autre côté, si la science n’en tenait plus aucun compte, elle se fourvoierait assurément, car elle perdrait de vue justement ce qui est l’essentiel, le principal en toutes choses : le résultat, l’effet utile ; elle méconnaitrait les plus fortes tendances communautaires et égalitaires ; elle verrait tout dans l’ordre social, moins l’harmonie. Et si ce livre est destiné à faire faire un pas à l’économie politique, c’est surtout en ce qu’il tiendra les yeux du lecteur constamment attachés sur cette portion de valeur successivement anéantie et recueillie sous forme d’utilité gratuité par l’humanité tout entière.

Je ferai ici une remarque qui prouvera combien les sciences se touchent et sont près de se confondre.

Je viens de définir le service. C’est l’effort dans un homme, tandis que le besoin et la satisfaction sont dans un autre. Quelquefois le service est rendu gratuitement, sans rémunération, sans qu’aucun service soit exigé en retour. Il part alors du principe sympathique plutôt que du principe de l’intérêt personnel. Il constitue le don et non l’échange. Par suite, il semble qu’il n’appartienne pas à l’économie politique (qui est la théorie de l’échange), mais à la morale. En effet, les actes de cette nature sont, à cause de leur mobile, plutôt moraux qu’économiques. Nous verrons cependant que, par leurs effets, ils intéressent la science qui nous occupe. D’un autre côté, les services rendus à titre onéreux, sous condition de retour, et, par ce motif, essentiellement économiques, ne restent pas pour cela, quant à leurs effets, étrangers à la morale.

Ainsi ces deux branches de connaissances ont des points de