Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/87

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L’échange produit à cet égard une illusion dont ne savent pas se préserver les esprits de la meilleure trempe, et j’affirme que l’économie politique aura atteint son but et rempli sa mission quand elle aura définitivement démontré ceci : Ce qui est vrai de l’homme est vrai de la société. L’homme isolé est à la fois producteur et consommateur, inventeur et entrepreneur, capitaliste et ouvrier ; tous les phénomènes économiques s’accomplissent en lui, et il est comme un résumé de la société. De même l’humanité, vue dans son ensemble, est un homme immense, collectif, multiple, auquel s’appliquent exactement les vérités observées sur l’individualité même.

J’avais besoin de faire cette remarque, qui, je l’espère, sera mieux justifiée par la suite, avant de continuer ces études sur l’homme. Sans cela, j’aurais craint que le lecteur ne rejetât, comme superflus, les développements, les véritables truismes qui vont suivre.

Je viens de parler des besoins de l’homme, et, après en avoir présenté une énumération approximative, j’ai fait observer qu’ils n’étaient pas d’une nature stationnaire, mais progressive ; cela est vrai, soit qu’on les considère chacun en lui-même, soit surtout qu’on embrasse leur ensemble dans l’ordre physique, intellectuel et moral. Comment en pourrait-il être autrement ? Il est des besoins dont la satisfaction est exigée, sous peine de mort, par notre organisation ; et, jusqu’à un certain point, on pourrait soutenir que ceux-là sont des quantités fixes, encore que cela ne soit certes pas rigoureusement exact : car, pour peu qu’on veuille bien ne pas négliger un élément essentiel, la puissance de l’habitude, et pour peu qu’on condescende à s’examiner soi-même avec quelque bonne foi, on sera forcé de convenir que les besoins, même les plus grossiers, comme celui de manger, subissent, sous l’influence de l’habitude, d’incontestables transformations ; et tel qui déclamera ici