Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/21

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nées durant ! — Vous l’étouffez sous la déclinaison et la conjugaison, vous l’affadissez, vous l’hébétez, vous lui donnez des nausées, et puis vous dites : Mon fils est charmant, il est plein d’intelligence, il comprend, il devine à demi-mot, mais il est léger, paresseux, il ne veut pas se captiver… Pauvre petit être ! que n’est-il assez sage pour répondre : Voyez, la nature m’a donné le goût et le besoin de la diversion ; elle m’a fait curieux et questionneur pour que j’apprenne toutes choses, et que deviennent en vos mains ces précieuses dispositions ? Vous enchaînez tous mes moments à une seule étude, à une étude ingrate et aride, qui ne m’explique rien, qui ne m’apprend rien, ni la cause de ce soleil qui tourne, de cette pluie qui tombe, de cette eau qui coule, de ce grain qui germe ; ni quelle force soutient le navire sur l’eau ou l’oiseau dans l’air ; ni d’où vient le pain qui me nourrit et l’habit qui me couvre. Aucun fait n’entre dans ma tête ; des mots, toujours des mots, heure après heure, jour après jour, et toujours et sans fin, d’un bout de ma jeunesse à l’autre. Vouloir que ma noble volonté se concentre tout entière sur ces tristes formules, vouloir que je ne regarde ni le papillon qui voltige, ni l’herbe qui verdit, ni le vaisseau qui marche sans rame et sans voile, vouloir que mes jeunes instincts ne cherchent pas à pénétrer ces phénomènes, aliment de mes sensations, substance de ma pensée, c’est exiger plus que je ne puis. Ô mon père, si vous en faisiez vous-même l’expérience, si vous vous imposiez seulement pendant un mois cette chemise de force, vous jugeriez qu’elle ne peut convenir aux remuantes allures de l’enfance.

Donc si Bayonne instituait un collége où le latin occupât une heure par jour, ainsi que doit faire un utile accessoire, où le reste du temps fût consacré aux mathématiques, à la physique, à la chimie, à l’histoire, aux langues vivantes, etc., je crois que Bayonne répondrait à un besoin so-