Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/24

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peut faire plier l’action à la peine, en déclarant que cette action, jusque-là réputée innocente, n’est qu’une espèce comprise dans un genre déterminé par la loi, je ne vois pas comment on pourrait empêcher le magistrat de se substituer au législateur, et le fonctionnaire choisi par le pouvoir au mandataire élu par le peuple.

Après ces considérations, l’auteur aborde la question morale et philosophique ; et ici, il faut le dire, il comble l’immense lacune qui se laisse apercevoir dans le réquisitoire de M. Dupin. Dans son culte superstitieux pour la loi, tous les efforts de ce magistrat se bornent à prouver qu’elle entend assimiler le duel à l’assassinat. Mais quels sont les effets du duel sur la société ; quels sont les maux qu’il prévient et qu’il réprime ; quel autre remède à ces maux pourrait-on lui substituer ; quels changements faudrait-il introduire dans notre législation pour créer à l’honneur la sauvegarde des lois, à défaut de celle du courage ; comment arriverait-on à donner aux décisions juridiques la sanction de l’opinion, et à empêcher que l’octroi de dommages-intérêts ne fût pour l’offensé une seconde flétrissure ; quels résultats produirait l’affaiblissement de la sensibilité de tous les citoyens à l’honneur et à l’opinion de leurs semblables ? Ce sont autant de graves questions dont M. Dupin ne paraît point s’être mis en peine, et qui ont été traitées par notre compatriote avec une remarquable supériorité.

Parmi les considérations qui nous ont le plus frappé dans cette substantielle discussion, nous citerons le passage dans lequel l’auteur expose la raison de l’inefficacité des peines pour réprimer les atteintes à l’honneur. Dans les crimes et délits ordinaires, les tribunaux ne font que constater et punir des actions basses dont l’opinion flétrit la source impure ; la sanction judiciaire et la sanction populaire sont d’accord. Mais, en matière d’honneur, ces deux sanctions marchent en sens opposé ; et si le tribunal prononce une