Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/35

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Ce dernier sujet est très-vaste. Je ne puis le traiter ici ; mais on me pardonnera quelques courtes observations.

Les classes agricoles ne sont certainement pas les moins âpres et les moins exigeantes en fait de protection. Comment ne s’aperçoivent-elles pas que c’est la Protection qui les ruine ?

Si les capitaux, en France, eussent été abandonnés à leur tendance propre, les verrait-on se livrer, comme ils font, à l’imitation britannique ? Suffit-il que les capitaux anglais trouvent un emploi naturel dans des mines inépuisables, pour que les nôtres aillent s’engouffrer dans des mines dérisoires ? Parce que les Anglais exploitent avantageusement le fer et le feu dont les éléments abondent dans leur île, est-ce une raison pour que nous persistions à avoir chez nous, bon gré malgré, du fer et du feu, en négligeant la terre, l’eau et le soleil, qui sont les dons que la nature avait mis à notre portée ? Ce n’est pas leur gravitation qui pousse ainsi nos capitaux hors de leur voie, c’est l’action des tarifs ; car l’anglomanie peut bien envahir les esprits, mais non les capitaux. Pour les engager et les retenir dans cette carrière de stériles et ineptes singeries, où une perte évidente les attendait, il a fallu que la Loi, sous le nom de Tarifs, imposât au public des taxes suffisantes pour transformer ces pertes en bénéfices. — Sans cette funeste intervention de la Loi, il ne faudrait pas aujourd’hui demander à des institutions artificielles un crédit agricole qu’ont détruit d’autres institutions artificielles. La France serait la première nation agricole du monde. Pendant que les capitaux anglais auraient été chercher pour nous de la houille et du fer dans les entrailles de la terre, pendant que pour nous, ils auraient fait tourner des rouages et fumer les obélisques du Lancastre, les nôtres auraient distribué sur notre sol privilégié les eaux de nos magnifiques rivières. L’Océan n’engloutirait pas les richesses incalculables qui s’écoulent dans