Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/430

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Beaucoup d’autres personnes en font autant, et comme il dispose d’une grande force, il peut rendre beaucoup de services semblables. Il est fortement rétribué. Qu’est-ce que cela prouve ? que son intelligence est récompensée, que son travail est heureux, mais non que la valeur soit dans le vent. La nature ne reçoit jamais aucune rétribution ; je ne la donne qu’à un homme, et je ne la lui donne que parce qu’il me rend un service. Ce service, je l’apprécie par ce qu’il m’en coûterait pour me le rendre à moi-même ou pour le réclamer à d’autres. Donc la valeur est dans l’appréciation comparée des divers services échangés.

Cela est si vrai que, si la concurrence s’en mêle, le meunier baissera son prix ; son service plus offert aura moins de valeur, quoique l’action du vent reste la même et conserve toute son utilité. C’est moi, consommateur, qui profiterai gratuitement de cette baisse. Ce n’est pas l’utilité du vent qui a changé, c’est la valeur du service.

Vous voyez qu’au fond c’est une dispute de mots. Qu’importe, me direz-vous, que la valeur soit dans une force naturelle ou dans le service que me rend, par l’intermédiaire de cette force, celui qui s’en est emparé ? le résultat est le même pour moi.

Je ne puis dire ici les conséquences, selon moi très-importantes, qui découlent de cette distinction. Je crois sincèrement que si je parviens à faire prévaloir ma thèse, j’aurai brisé tous les arguments socialistes, communistes, etc. tout comme j’aurai redressé beaucoup d’erreurs échappées aux économistes relativement à la propriété, à la rente, au crédit, etc. C’est peut-être une illusion d’auteur, mais j’avoue qu’elle s’est emparée de tout mon être, et je regrette de n’avoir que quelques instants à consacrer à cette étude.

Veuillez recevoir, mon cher Monsieur, l’assurance de mon respectueux attachement.