Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/96

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Mais tous, tant que nous sommes, n’écrivons-nous pas tantôt à de grandes, tantôt à de petites distances ? L’égalité se rétablit donc par là, et rien n’empêche de faire de toutes les distances une moyenne que chaque lettre est censée avoir parcourue[1].

Partout où, dans des cas analogues, l’uniformité est établie pour le port des journaux, pour les envois d’argent, il faut qu’on s’en trouve bien, car personne n’y contredit.

D’ailleurs, il est un point où, dans la pratique, tout est forcé de s’arrêter, même la justice rigoureuse ; c’est quand on arrive à des différences microscopiques, à des infiniment petits, à un fractionnement si minutieux, que l’exécution en devient onéreuse à tout le monde. Est-ce que le système de la Commission a la prétention de réaliser l’égalité mathématique ? Fait-il payer plus la lettre remise à huit heures que la lettre délivrée à neuf ? Observe-t-il la proportionnalité entre le destinataire placé à 39 ou à 40 kilomètres ?

Lors donc qu’on parle d’égalité, il faut entendre une égalité possible, praticable, qui n’exige pas, par exemple, qu’on prenne de la monnaie d’un centime.

Et c’est précisément ce qui arriverait dans le système de la taxe graduelle, s’il tenait compte de cette équité infinitésimale dont il se masque.

Car il est prouvé que les frais de locomotion, les frais qui affectent diversement les lettres, ne font varier la dépense, d’une zone à l’autre, que de 1/2 centime[2].

Mais puisque c’est au nom de l’égalité et de l’équité que la Commission s’est décidée pour la taxe graduelle, examinons son système à ce point de vue.

  1. Recevez dans l’année 4 lettres à 3 décimes, 4 lettres à 2 décimes et 2 lettres à 1 franc ; n’est-ce point comme si vous aviez payé pour chaque lettre le taux fixe de 40 centimes qui est la moyenne du système actuel ?
  2. Nous renvoyons pour la démonstration à l’excellent rapport de M Chégaray (Séance du 5 juillet 1844, p. 10 et suiv.).