Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/224

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les fleurs. Le soir venait doucement, un de ces soirs calmes et tièdes qui font s’exhaler tous les parfums de la terre. Il ne faisait presque plus jour quand nous nous mîmes à table. Le dîner fut bon et long ; et nous devînmes amis intimes, elle et moi, quand elle eut bien compris quelle sympathie profonde s’éveillait pour elle en mon cœur. Elle avait bu deux doigts de vin, comme on disait autrefois, et devenait plus confiante, plus expansive.

— Allons regarder la lune, me dit-elle. Moi je l’adore, cette bonne lune. Elle a été le témoin de mes joies les plus vives. Il me semble que tous mes souvenirs sont dedans ; et je n’ai qu’à la contempler pour qu’ils me reviennent aussitôt. Et même… quelquefois, le soir… Je m’offre un joli spectacle… joli… Joli… si vous saviez ?… Mais non, vous vous moqueriez trop de moi… je ne peux pas… Je n’ose pas… non… non… vraiment non…

Je la suppliais :

— Voyons… quoi ? dites-le-moi ; je vous promets de ne pas me moquer… je vous le jure… voyons…

Elle hésitait. Je pris ses mains, ses pauvres petites mains si maigres, si froides, et je les baisai l’une après l’autre, plusieurs fois,