Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/245

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augmenter la colère du testateur, un ami d’Octave, parent éloigné, un de ces cousins à petite fortune et à grande habileté qui font dire d’eux par les gens prudents de leur province : — Je ne voudrais pas avoir de procès avec lui ! était venu par hasard chez monsieur de Bourbonne et lui avait appris la ruine de son neveu. Monsieur Octave de Camps, après avoir dissipé sa fortune pour une certaine madame Firmiani, était réduit à se faire répétiteur de mathématiques, en attendant l’héritage de son oncle, auquel il n’osait venir avouer ses fautes. Cet arrière-cousin, espèce de Charles Moor, n’avait pas eu honte de donner ces fatales nouvelles au vieux campagnard au moment où il digérait, devant son large foyer, un copieux dîner de province. Mais les héritiers ne viennent pas à bout d’un oncle aussi facilement qu’ils le voudraient. Grâce à son entêtement, celui-ci qui refusait de croire en l’arrière-cousin, sortit vainqueur de l’indigestion causée par la biographie de son neveu. Certains coups portent sur le cœur, d’autres sur la tête : le coup porté par l’arrière-cousin tomba sur les entrailles et produisit peu d’effet, parce que le bonhomme avait un excellent estomac. En vrai disciple de saint Thomas, monsieur de Bourbonne vint à Paris à l’insu d’Octave, et voulut prendre des renseignements sur la déconfiture de son héritier. Le vieux gentilhomme, qui avait des relations dans le faubourg Saint-Germain par les Listomère, les Lenoncourt et les Vandenesse, entendit tant de médisances, de vérités, de faussetés sur madame Firmiani qu’il résolut de se faire présenter chez elle sous le nom de monsieur de Rouxellay, nom de sa terre. Le prudent vieillard avait eu soin de choisir, pour venir étudier la prétendue maîtresse d’Octave, une soirée pendant laquelle il le savait occupé d’achever un travail chèrement payé ; car l’ami de madame Firmiani était toujours reçu chez elle, circonstance que personne ne pouvait expliquer. Quant à la ruine d’Octave, ce n’était malheureusement pas une fable.

Monsieur de Rouxellay ne ressemblait point à un oncle du Gymnase. Ancien mousquetaire, homme de haute compagnie qui avait eu jadis des bonnes fortunes, il savait se présenter courtoisement, se souvenait des manières polies d’autrefois, disait des mots gracieux et comprenait presque toute la Charte. Quoiqu’il aimât les Bourbons avec une noble franchise, qu’il crût en Dieu comme y croient les gentilshommes et qu’il ne lût que la Quotidienne, il n’était pas aussi ridicule que les libéraux de son département le souhaitaient. Il