Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, II.djvu/291

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et se prit alors le front dans ses mains en s’appuyant le coude à la ceinture.

— Peut-elle être à l’Opéra ! pensa-t-il.

— Regarde-nous donc, pauvre grand homme, dit à voix basse madame du Tillet.

Quant à Marie, au risque de se compromettre, elle attacha sur lui ce regard violent et fixe par lequel la volonté jaillit de l’œil, comme du soleil jaillissent les ondes lumineuses, et qui pénètre, selon les magnétiseurs, la personne sur lequel il est dirigé. Raoul sembla frappé par une baguette magique ; il leva la tête, et son œil rencontra soudain les yeux des deux sœurs. Avec cet adorable esprit qui n’abandonne jamais les femmes, madame de Vandenesse saisit une croix qui jouait sur sa gorge et la lui montra par un sourire rapide et significatif. Le bijou rayonna jusque sur le front de Raoul, qui répondit par une expression joyeuse : il avait compris.

— N’est-ce donc rien, Eugénie, dit la comtesse à sa sœur, que de rendre ainsi la vie aux morts ?

— Tu peux entrer dans la Société des Naufrages, répondit Eugénie en souriant.

— Comme il est venu triste, abattu ; mais comme il s’en ira content !

— Hé ! bien, comment vas-tu, mon cher ? dit du Tillet en serrant la main à Raoul et l’abordant avec tous les symptômes de l’amitié.

— Mais comme un homme qui vient de recevoir les meilleurs renseignements sur les élections. Je serai nommé, répondit le radieux Raoul.

— Ravi, répliqua du Tillet. Il va nous falloir de l’argent pour le journal.

— Nous en trouverons, dit Raoul.

— Les femmes ont le diable pour elles, dit du Tillet sans se laisser prendre encore aux paroles de Raoul qu’il avait nommé Charnathan.

— À quel propos ? dit Raoul.

— Ma belle-sœur est chez ma femme, dit le banquier ; il y a quelque intrigue sous jeu. Tu me parais adoré de la comtesse, elle te salue à travers toute la salle.

— Vois, dit madame du Tillet à sa sœur, on nous dit fausses. Mon mari câline monsieur Nathan, et c’est lui qui veut le faire mettre en prison.