Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, II.djvu/371

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— Maintenant, reprit-elle, n’y a-t-il pas au même endroit un papier sur lequel j’ai écrit quelques lignes ?

— Oui, ma mère.

Et Louis commençant à lire : — Marie Willemsens, née à…

— Assez, dit-elle vivement. Ne continue pas. Quand je serai morte, mon fils, tu remettras encore ce papier à Annette, et tu lui diras de le donner à la mairie de Saint-Cyr, où il doit servir à faire dresser exactement mon acte de décès. Prends ce qu’il faut pour écrire une lettre que je vais te dicter.

Quand elle vit son fils prêt, et qu’il se tourna vers elle comme pour l’écouter, elle dit d’une voix calme : Monsieur le comte, votre femme lady Brandon est morte à Saint-Cyr, près de Tours, département d’Indre-et-Loire. Elle vous a pardonné.

— Signe…

Elle s’arrêta, indécise, agitée.

— Souffrez-vous davantage ? demanda Louis.

— Signe : Louis-Gaston !

Elle soupira, puis reprit : — Cachète la lettre, et écris l’adresse suivante : à lord Brandon. Brandon-Square. Hyde-Park, Londres. Angleterre.

— Bien, reprit-elle. Le jour de ma mort tu feras affranchir cette lettre à Tours.

— Maintenant, dit-elle après une pause, prends le petit portefeuille que tu connais, et viens près de moi, mon cher enfant.

— Il y a là, dit-elle, quand Louis eut repris sa place, douze mille francs. Ils sont bien à vous, hélas ! Vous eussiez été plus riches, si votre père…

— Mon père, s’écria l’enfant, où est-il ?

— Mort, dit-elle en mettant un doigt sur ses lèvres, mort pour me sauver l’honneur et la vie.

Elle leva les yeux au ciel. Elle eût pleuré, si elle avait encore eu des larmes pour les douleurs.

— Louis, reprit-elle, jurez-moi là, sur ce chevet, d’oublier ce que vous avez écrit et ce que je vous ai dit.

— Oui, ma mère.

— Embrasse-moi, cher ange.

Elle fit une longue pause, comme pour puiser du courage en Dieu et mesurer ses paroles aux forces qui lui restaient. — Écoute. Ces douze mille francs sont toute votre fortune ; il