Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/199

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— Ce n’est pas assez. La désire-t-il en tant que femme au point de passer par-dessus quelques difficultés pécuniaires ?

— Oui.

— Voilà ce que je regarde comme un Avoir dans les Propres d’une fille ! s’écria le notaire. Faites-la donc bien belle ce soir, ajouta-t-il d’un air fin.

— Nous avons la plus jolie toilette du monde.

— La robe du contrat contient, selon moi, la moitié des donations, dit Solonet.

Ce dernier argument parut si nécessaire à madame Évangélista, qu’elle voulut assister à la toilette de Natalie, autant pour la surveiller que pour en faire une innocente complice de sa conspiration financière. Coiffée à la Sévigné, vêtue d’une robe de cachemire blanc ornée de nœuds roses, sa fille lui parut si belle qu’elle pressentit la victoire. Quand la femme de chambre fut sortie, et que madame Évangélista fut certaine que personne ne pouvait être à portée d’entendre, elle arrangea quelques boucles dans la coiffure de sa fille, en manière d’exorde.

— Chère enfant, aimes-tu bien sincèrement monsieur de Manerville ? lui dit-elle d’une voix ferme en apparence.

La mère et la fille se jetèrent, l’une à l’autre, un étrange regard.

— Pourquoi, ma petite mère, me faites-vous cette question aujourd’hui plutôt qu’hier ? Pourquoi me l’avez-vous laissé voir ?

— S’il fallait nous quitter pour toujours, persisterais-tu dans ce mariage ?

— J’y renoncerais et n’en mourrais pas de chagrin.

— Tu n’aimes pas, ma chère, dit la mère en baisant sa fille au front.

— Mais pourquoi, bonne mère, fais-tu le grand inquisiteur ?

— Je voulais savoir si tu tenais au mariage sans être folle du mari.

— Je l’aime.

— Tu as raison, il est comte, nous en ferons un pair de France à nous deux ; mais il va se rencontrer des difficultés.

— Des difficultés entre gens qui s’aiment ? Non. La Fleur des pois, chère mère, s’est trop bien plantée là, dit-elle en montrant son cœur par un geste mignon, pour faire la plus légère objection. J’en suis sûre.

— S’il en était autrement ? dit madame Évangélista.

— Il serait profondément oublié, répondit Natalie.

— Bien, tu es une Casa-Réal ! Mais, quoique t’aimant comme un