Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/213

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— Monsieur Évangélista faisait des affaires, il jouait le grand jeu des commerçants, il expédiait des navires et gagnait des sommes considérables ; nous sommes un propriétaire dont le capital est placé, dont les revenus sont inflexibles, répondit vivement le vieux notaire.

— Il est encore un moyen de tout concilier, dit Solonet, qui par cette phrase proférée d’un ton de fausset imposa silence aux trois autres en attirant leurs regards et leur attention.

Ce jeune homme ressemblait à un habile cocher qui tient les rênes d’un attelage à quatre chevaux et s’amuse à les animer, à les retenir. Il déchaînait les passions, il les calmait tour à tour en faisant suer dans son harnais Paul dont la vie et le bonheur étaient à tout moment en question, et sa cliente qui ne voyait pas clair à travers les tournoiements de la discussion.

— Madame Évangélista, dit-il après une pause, peut délaisser dès aujourd’hui les inscriptions cinq pour cent et vendre son hôtel. Je lui en ferai trouver trois cent mille francs en l’exploitant par lots. Sur ce prix, elle vous remettra cent cinquante mille francs. Ainsi madame vous donnera neuf cent cinquante mille francs immédiatement. Si ce n’est pas ce qu’elle doit à sa fille, trouvez beaucoup de dots semblables en France ?

— Bien, dit maître Mathias, mais que deviendra madame ?

À cette question, qui supposait un assentiment, Solonet se dit en lui-même : — Allons donc, mon vieux loup, te voilà pris !

— Madame ! répondit à haute voix le jeune notaire, madame gardera les cinquante mille écus restant sur le prix de son hôtel. Cette somme jointe au produit de son mobilier peut se placer en rentes viagères, et lui procurera vingt mille livres de rentes. Monsieur le comte lui arrangera une demeure chez lui. Lanstrac est grand. Vous avez un hôtel à Paris, dit-il en s’adressant directement à Paul, madame votre belle-mère peut donc vivre partout avec vous. Une veuve qui, sans avoir à supporter les charges d’une maison, possède vingt mille livres de rentes, est plus riche que ne l’était madame quand elle jouissait de toute sa fortune. Madame Évangélista n’a que sa fille, monsieur le comte est également seul, vos héritiers sont éloignés, aucune collision d’intérêts n’est à craindre. La belle-mère et le gendre qui se trouvent dans les conditions où vous êtes forment toujours une même famille. Madame Évangélista compensera le déficit actuel par les bénéfices d’une pension qu’elle vous