Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/222

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Vous voulez donc dissiper la fortune de mon client, qui par la création du majorat est mise hors de toute atteinte, comme si les époux se mariaient sous le régime dotal.

Solonet calma ses propres scrupules en se disant : — Ces stipulations n’ont d’effets que dans l’avenir, et alors madame Évangélista sera morte et enterrée.

En ce moment madame Évangélista se contenta des explications de Solonet, en qui elle avait toute confiance. D’ailleurs elle ignorait les lois ; elle voyait sa fille mariée, elle n’en demandait pas davantage, le matin ; elle fut toute à la joie du succès. Ainsi, comme le pensait Mathias, ni Solonet ni madame Évangélista ne comprenaient encore dans toute son étendue sa conception appuyée sur des raisons inattaquables.

— Hé ! bien, monsieur Mathias, dit la veuve, tout est pour le mieux.

— Madame, si vous et monsieur le comte consentez à ces dispositions, vous devez échanger vos paroles. — Il est bien entendu, n’est-ce pas, dit-il en les regardant l’un et l’autre, que le mariage n’aura lieu que sous la condition de la constitution d’un majorat composé de la terre de Lanstrac et de l’hôtel situé rue de la Pépinière, appartenant au futur époux, item de huit cent mille francs pris en argent dans l’apport de la future épouse, et dont l’emploi se fera en terres ? Pardonnez-moi, madame, cette répétition : un engagement positif et solennel est ici nécessaire. L’érection d’un majorat exige des formalités, des démarches à la chancellerie, une ordonnance royale, et nous devons conclure immédiatement l’acquisition des terres, afin de les comprendre dans la désignation des biens que l’ordonnance royale a la vertu de rendre inaliénables. Dans beaucoup de familles on ferait un compromis, mais entre vous un simple consentement doit suffire. Consentez-vous ?

— Oui, dit madame Évangélista.

— Oui, dit Paul.

— Et moi ? dit Natalie en riant.

— Vous êtes mineure, mademoiselle, lui répondit Solonet, ne vous en plaignez pas.

Il fut alors convenu que maître Mathias rédigerait le contrat, que maître Solonet minuterait le compte de tutelle, et que ces actes se signeraient, suivant la loi, quelques jours avant la célébration du mariage. Après quelques salutations, les deux notaires se levèrent.