Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/253

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pas. Élie Magus a estimé mes boucles d’oreilles et mon collier à cent et quelques mille francs, échangeons-les contre les joyaux que je vous livre pour accomplir mes engagements envers ma fille ; vous y gagnerez, mais qu’est-ce que cela me fait ! je ne suis pas intéressée. Ainsi, Paul, avec vos économies vous vous amuserez à composer pour Natalie un diadème ou des épis, diamant à diamant. Au lieu d’avoir ces parures de fantaisie, ces brimborions qui ne sont à la mode que parmi les petites gens, votre femme aura de magnifiques diamants avec lesquels elle aura de véritables jouissances. Vendre pour vendre, ne vaut-il pas mieux se défaire de ces antiquailles, et garder dans la famille ces belles pierreries ?

— Mais, ma mère, et vous ? dit Paul.

— Moi, répondit madame Évangélista, je n’ai plus besoin de rien. Oui, je vais être votre fermière à Lanstrac. Ne serait-ce pas une folie que d’aller à Paris au moment où je dois liquider ici le reste de ma fortune ? Je deviens avare pour mes petits-enfants.

— Chère mère, dit Paul tout ému, dois-je accepter cet échange sans soulte ?

— Mon Dieu ! n’êtes-vous pas mes plus chers intérêts ! croyez-vous qu’il n’y aura pas pour moi du bonheur à me dire au coin de mon feu : Natalie arrive ce soir brillante au bal chez la duchesse de Berry ! en se voyant mon diamant au cou, mes boucles d’oreilles, elle a ces petites jouissances d’amour-propre qui contribuent tant au bonheur d’une femme et la rendent gaie, avenante ! Rien n’attriste plus une femme que le froissement de ses vanités, je n’ai jamais vu nulle part une femme mal mise être aimable et de bonne humeur. Allons, soyez juste, Paul ! nous jouissons beaucoup plus en l’objet aimé qu’en nous-même.

— Mon Dieu ! que voulait donc dire Mathias ? pensait Paul. Allons, maman, dit-il à demi-voix, j’accepte.

— Moi, je suis confuse, dit Natalie.

Solonet vint en ce moment pour annoncer une bonne nouvelle à sa cliente ; il avait trouvé, parmi les spéculateurs de sa connaissance, deux entrepreneurs affriolés par l’hôtel, où l’étendue des jardins permettait de faire des constructions.

— Ils offrent deux cent cinquante mille francs, dit-il ; mais si vous y consentez je pourrais les amener à trois cent mille. Vous avez deux arpents de jardin.

— Mon mari a payé le tout deux cent mille francs, ainsi je