Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/328

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— Ma sœur aura ma lettre demain, dit mademoiselle de Pen-Hoël en saluant le chevalier.

Jugez d’après cette soirée normale du vacarme que devaient produire dans les intérieurs de Guérande l’arrivée, le séjour, le départ ou seulement le passage d’un étranger.

Quand aucun bruit ne retentit plus ni dans la chambre du baron ni dans celle de sa sœur, madame du Guénic regarda le curé qui jouait pensivement avec des jetons.

— J’ai deviné que vous avez enfin partagé mes inquiétudes sur Calyste, lui dit-elle.

— Avez-vous vu l’air pincé qu’avait mademoiselle de Pen-Hoël ce soir ? demanda le curé.

— Oui, répondit la baronne.

— Elle a, je le sais, reprit le curé, les meilleures intentions pour notre cher Calyste, elle le chérit comme s’il était son fils ; et sa conduite en Vendée aux côtés de son père, les louanges que Madame a faites de son dévouement ont augmenté l’affection que mademoiselle de Pen-Hoël lui porte. Elle assurera par donation entre vifs toute sa fortune à celle de ses nièces que Calyste épousera. Je sais que vous avez en Irlande un parti beaucoup plus riche pour votre cher Calyste ; mais il vaut mieux avoir deux cordes à son arc. Au cas où votre famille ne se chargerait pas de l’établissement de Calyste, la fortune de mademoiselle de Pen-Hoël n’est pas à dédaigner. Vous trouverez toujours pour ce cher enfant un parti de sept mille livres de rente ; mais vous ne trouverez pas les économies de quarante ans ni des terres administrées, bâties, réparées comme le sont celles de mademoiselle de Pen-Hoël. Cette femme impie, mademoiselle des Touches, est venue gâter bien des choses ! On a fini par avoir de ses nouvelles.

— Hé ! bien ? dit la mère.

— Oh ! une gaupe, une gourgandine, s’écria le curé, une femme de mœurs équivoques, occupée de théâtre, hantant les comédiens et les comédiennes, mangeant sa fortune avec des folliculaires, des peintres, des musiciens, la société du diable, enfin ! Elle prend, pour écrire ses livres, un faux nom sous lequel elle est, dit-on, plus connue que sous celui de Félicité des Touches. Une vraie baladine qui, depuis sa première communion, n’est entrée dans une église que pour y voir des statues ou des tableaux. Elle a dépensé sa fortune à décorer les Touches de la plus inconvenante façon, pour en