Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pasteur, qui, par vénération pour cette famille, avait promis de lui donner une éducation complète et chrétienne. Calyste eut l’enseignement du séminaire où l’abbé Grimont avait fait ses études. La baronne lui apprit l’anglais. On trouva, non sans peine, un maître de mathématiques parmi les employés de Saint-Nazaire. Calyste ignorait nécessairement la littérature moderne, la marche et les progrès actuels des sciences. Son instruction avait été bornée à la géographie et à l’histoire circonspectes des pensionnats de demoiselles, au latin et au grec des séminaires, à la littérature des langues mortes et à un choix restreint d’auteurs français. Quand, à seize ans, il commença ce que l’abbé Grimont nommait sa philosophie, il n’était pas moins pur qu’au moment où Fanny l’avait remis au curé. L’Église fut aussi maternelle que la mère. Sans être dévot ni ridicule, l’adoré jeune homme était un fervent catholique. À ce fils si beau, si candide, la baronne voulait arranger une vie heureuse obscure. Elle attendait quelque bien, deux ou trois mille livres sterling d’une vieille tante. Cette somme, jointe à la fortune actuelle des Guénic, pourrait lui permettre de trouver pour Calyste une femme qui lui apporterait douze ou quinze mille livres de revenu. Charlotte de Kergarouët, avec la fortune de sa tante, une riche Irlandaise ou toute autre héritière semblait indifférente à la baronne : elle ignorait l’amour, elle voyait comme toutes les personnes groupées autour d’elle un moyen de fortune dans le mariage. La passion était inconnue à ces âmes catholiques, à ces vieilles gens exclusivement occupés de leur salut, de Dieu, du roi, de leur fortune. Personne ne s’étonnera donc de la gravité des pensées qui servaient d’accompagnement aux sentiments blessés dans le cœur de cette mère, qui vivait autant par les intérêts que par la tendresse de son fils. Si le jeune ménage pouvait écouter la sagesse, à la seconde génération les du Guénic, en vivant de privations, en économisant comme on sait économiser en province, pouvaient racheter leurs terres et reconquérir le lustre de la richesse. La baronne souhaitait une longue vieillesse pour voir poindre l’aurore du bien-être. Mademoiselle du Guénic avait compris et adopté ce plan, que menaçait alors mademoiselle des Touches. La baronne entendit sonner minuit avec effroi ; elle conçut des terreurs affreuses pendant une heure, car le coup d’une heure retentit encore au clocher sans que Calyste fût venu.

— Y resterait-il ? se dit-elle. Ce serait la première fois. Pauvre enfant !