Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/382

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— Ce serait bien votre affaire, dit Claude Vignon en souriant d’un air sardonique à Calyste.

Calyste fut blessé du mot affaire.

— Ne donnez pas à ce cher enfant l’idée d’une intrigue pareille, vous ne savez pas combien ces plaisanteries sont dangereuses. Je connais Béatrix, elle a trop de grandiose dans le caractère pour changer, et d’ailleurs Conti serait là.

— Ah ! dit railleusement Claude Vignon, un petit mouvement de jalousie ?…

— Le croiriez-vous ? dit fièrement Camille.

— Vous êtes plus perspicace que ne le serait une mère, répondit railleusement Claude.

— Mais cela est-il possible ? dit Camille en montrant Calyste.

— Cependant, reprit Vignon, ils seraient bien assortis. Elle a dix ans de plus que lui, et c’est lui qui semble être la jeune fille.

— Une jeune fille, monsieur, qui a déjà vu le feu deux fois dans la Vendée. S’il s’était seulement trouvé vingt mille jeunes filles semblables…

— Je faisais votre éloge, dit Vignon, ce qui est bien plus facile que de vous faire la barbe.

— J’ai une épée qui la fait à ceux qui l’ont trop longue, répondit Calyste.

— Et moi je fais très-bien l’épigramme, dit en souriant Vignon, nous sommes Français, l’affaire peut s’arranger.

Mademoiselle des Touches jeta sur Calyste un regard suppliant qui le calma soudain.

— Pourquoi, dit Félicité pour briser ce débat, les jeunes gens comme mon Calyste commencent-ils par aimer des femmes d’un certain âge ?

— Je ne sais pas de sentiment qui soit plus naïf ni plus généreux, répondit Vignon, il est la conséquence des adorables qualités de la jeunesse. D’ailleurs, comment les vieilles femmes finiraient-elles sans cet amour ? Vous êtes jeune et belle, vous le serez encore pendant vingt ans, on peut s’expliquer devant vous, ajouta-t-il en jetant un regard fin à mademoiselle des Touches. D’abord les semi-douairières auxquelles s’adressent les jeunes gens savent beaucoup mieux aimer que n’aiment les jeunes femmes. Un adulte ressemble trop à une jeune femme pour qu’une jeune femme lui plaise. Une telle passion frise la fable de Narcisse. Outre cette répugnance, il y a, je crois, en-