Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/389

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Calyste s’inclina devant la marquise qui le salua par un geste de tête, il ne l’avait pas regardée ; il prit la main que lui tendait Claude Vignon et la serra.

— Voici le grand homme de qui nous vous avons tant parlé, Gennaro Conti, lui dit Camille sans répondre à Vignon.

Elle montrait à Calyste un homme de moyenne taille, mince et fluet, aux cheveux châtains, aux yeux presque rouges, au teint blanc et marqué de taches de rousseur, ayant tout à fait la tête si connue de lord Byron que la peinture en serait superflue, mais mieux portée peut-être. Conti était assez fier de cette ressemblance.

— Je suis enchanté, pour un jour que je passe aux Touches, de rencontrer monsieur, dit Gennaro.

— C’était à moi de dire cela de vous, répondit Calyste avec assez d’aisance.

— Il est beau comme un ange, dit la marquise à Félicité.

Placé entre le divan et les deux femmes, Calyste entendit confusément cette parole, quoique dite en murmurant et à l’oreille. Il s’assit dans un fauteuil et jeta sur la marquise quelques regards à la dérobée. Dans la douce lueur du couchant, il aperçut alors, jetée sur le divan comme si quelque statuaire l’y eût posée, une forme blanche et serpentine qui lui causa des éblouissements. Sans le savoir, Félicité, par sa description, avait bien servi son amie. Béatrix était supérieure au portrait peu flatté fait la veille par Camille. N’était-ce pas un peu pour le convive que Béatrix avait mis dans sa royale chevelure des touffes de bleuets qui faisaient valoir le ton pâle de ses boucles crêpées, arrangées pour accompagner sa figure en badinant le long des joues ? Le tour de ses yeux, cerné par la fatigue, était semblable à la nacre la plus pure, la plus chatoyante, et son teint avait l’éclat de ses yeux. Sous la blancheur de sa peau, aussi fine que la pellicule satinée d’un œuf, la vie étincelait dans un sang bleuâtre. La délicatesse des traits était inouïe. Le front paraissait être diaphane. Cette tête sauve et douce, admirablement posée sur un long col d’un dessin merveilleux, se prêtait aux expressions les plus diverses. La taille, à prendre avec les mains, avait un laissez-aller ravissant. Les épaules découvertes étincelaient dans l’ombre comme un camélia blanc dans une chevelure noire. La gorge, habilement présentée, mais couverte d’un fichu clair, laissait apercevoir deux contours d’une exquise mièvrerie. La robe de mousse-