Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/434

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Vous êtes une de ces âmes angéliques dont la sœur paraît impossible à rencontrer. Ce malheur, mon cher enfant, Camille vous l’évitera ; elle vous trouvera, dût-elle en mourir, une créature avec laquelle vous puissiez être heureux en ménage.

» Je vous tends une main amie et compte, non pas sur votre cœur, mais sur votre esprit, pour nous trouver maintenant ensemble comme un frère et une sœur, et terminer là notre correspondance, qui, des Touches à Guérande, est chose au moins bizarre.

» Béatrix de Casteran. »

Émue au dernier point par les détails et par la marche des amours de son fils avec la belle Rochegude, la baronne ne put rester dans la salle où elle faisait sa tapisserie en regardant Calyste à chaque point, elle quitta son fauteuil et vint auprès de lui d’une manière à la fois humble et hardie. La mère eut en ce moment la grâce d’une courtisane qui veut obtenir une concession.

— Eh ! bien, dit-elle en tremblant, mais sans positivement demander la lettre.

Calyste lui montra le papier et le lui lut. Ces deux belles âmes, si simples, si naïves, ne virent dans cette astucieuse et perfide réponse aucune des malices et des piéges qu’y avait mis la marquise.

— C’est une noble et grande femme ! dit la baronne dont les yeux étaient humides. Je prierai Dieu pour elle. Je ne croyais pas qu’une mère put abandonner son mari, son enfant, et conserver tant de vertus ! Elle est digne de pardon.

— N’ai-je pas raison de l’adorer ? dit Calyste.

— Mais où cet amour te mènera-t-il ? s’écria la baronne. Ah ! mon enfant, combien les femmes à sentiments nobles sont dangereuses ! Les mauvaises sont moins à craindre. Épouse Charlotte de Kergarouët, dégage les deux tiers des terres de ta famille. En vendant quelques fermes, mademoiselle de Pen-Hoël obtiendra ce grand résultat, et cette bonne fille s’occupera de faire valoir tes biens. Tu peux laisser à tes enfants un beau nom, une belle fortune…

— Oublier Béatrix ?… dit Calyste d’une voix sourde et les yeux fixés en terre.

Il laissa la baronne et remonta chez lui pour répondre à la mar-