Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/456

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— Ouvrez les yeux, pardonnez-moi, disait Calyste, ou nous mourrons ensemble.

— Mourir ? dit-elle en ouvrant les yeux et dénouant ses lèvres pâles.

Calyste salua ce mot par un baiser, et sentit alors chez la marquise un frémissement convulsif qui le ravit. En ce moment, les souliers ferrés de Gasselin se firent entendre au-dessus. Le Breton était suivi de Camille, avec laquelle il examinait les moyens de sauver les deux amants.

— Il n’en est qu’un seul, mademoiselle, dit Gasselin : je vais m’y couler, ils remonteront sur mes épaules, et vous leur donnerez la main.

— Et toi ? dit Camille.

Le domestique parut surpris d’être compté pour quelque chose au milieu du danger que courait son jeune maître.

— Il vaut mieux aller chercher une échelle au Croisic, dit Camille.

— Elle est malicieuse tout de même, se dit Gasselin en descendant.

Béatrix demanda d’une voix faible à être couchée, elle se sentait défaillir. Calyste la coucha entre le granit et le buis sur le terreau frais.

— Je vous ai vu, Calyste, dit Camille. Que Béatrix meure ou soit sauvée, ceci ne doit être jamais qu’un accident.

— Elle me haïra, dit-il les yeux mouillés.

— Elle t’adorera, répondit Camille. Nous voilà revenus de notre promenade, il faut la transporter aux Touches. Que serais-tu donc devenu si elle était morte ? lui dit-elle.

— Je l’aurais suivie.

— Et ta mère ?… Puis, après une pause : Et moi ? dit-elle faiblement.

Calyste resta pâle, le dos appuyé au granit, immobile, silencieux. Gasselin revint promptement d’une des petites fermes éparses dans les champs en courant avec une échelle qu’il y avait trouvée. Béatrix avait repris quelques forces. Quand Gasselin eut placé l’échelle, la marquise put, aidée par Gasselin qui pria Calyste de passer le châle rouge de Camille sous les bras de Béatrix et de lui en apporter le bout, arriver sur la plate-forme ronde, où Gasselin la prit dans ses bras comme un enfant, et la descendit sur la plage.