Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

falot qu’il avait déposé sur la première marche de l’escalier. Son pas facile à reconnaître retentissait sous les voûtes du corridor. Au moment où le gentilhomme tourna la clef de la chambre de sa femme, il crut entendre fermer la porte du cabinet dont je vous ai parlé ; mais, quand il entra, madame de Merret était seule, debout devant la cheminée. Le mari pensa naïvement en lui-même que Rosalie était dans le cabinet ; cependant un soupçon qui lui tinta dans l’oreille avec un bruit de cloches le mit en défiance ; il regarda sa femme, et lui trouva dans les yeux je ne sais quoi de trouble et de fauve. — Vous rentrez bien tard, dit-elle. Cette voix ordinairement si pure et si gracieuse lui parut légèrement altérée. Monsieur de Merret ne répondit rien, car en ce moment Rosalie entra. Ce fut un coup de foudre pour lui. Il se promena dans la chambre, en allant d’une fenêtre à l’autre par un mouvement uniforme et les bras croisés. — Avez-vous appris quelque chose de triste, ou souffrez-vous ? lui demanda timidement sa femme pendant que Rosalie la déshabillait. Il garda le silence. — Retirez-vous, dit madame de Merret à sa femme de chambre, je mettrai mes papillotes moi-même. Elle devina quelque malheur au seul aspect de la figure de son mari, et voulut être seule avec lui. Lorsque Rosalie fut partie, ou censée partie, car elle resta pendant quelques instants dans le corridor, monsieur de Merret vint se placer devant sa femme, et lui dit froidement : — Madame, il y a quelqu’un dans votre cabinet ! Elle regarda son mari d’un air calme, et lui répondit avec simplicité : — Non, monsieur. Ce non navra monsieur de Merret, il n’y croyait pas ; et pourtant jamais sa femme ne lui avait paru ni plus pure ni plus religieuse qu’elle semblait l’être en ce moment. Il se leva pour aller ouvrir le cabinet, madame de Merret le prit par la main, l’arrêta, le regarda d’un air mélancolique, et lui dit d’une voix singulièrement émue : — Si vous ne trouvez personne, songez que tout sera fini entre nous ! L’incroyable dignité empreinte dans l’attitude de sa femme rendit au gentilhomme une profonde estime pour elle, et lui inspira une de ces résolutions auxquelles il ne manque qu’un plus vaste théâtre pour devenir immortelles. — Non, dit-il, Joséphine, je n’irai pas. Dans l’un et l’autre cas, nous serions séparés à jamais. Écoute, je connais toute la pureté de ton âme, et sais que tu mènes une vie sainte, tu ne voudrais pas commettre un péché mortel aux dépens de ta vie. À ces mots, madame de Merret regarda son mari d’un œil hagard. — Tiens, voici ton