Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/147

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─ Où vas-tu, Modeste ? demanda la mère.

— Tout préparer pour votre coucher, maman, répondit Modeste d’une voix aussi pure que le son d’un harmonica.

Et elle quitta le salon.

— Vous n’avez pas fait vos frais ! dit le nain à Dumay quand il rentra.

— Modeste est sage comme la vierge de notre autel, s’écria madame Latournelle.

— Ah ! mon Dieu ! de telles émotions me brisent, dit le caissier, et je suis cependant bien fort.

— Je veux perdre vingt-cinq sous, si je comprends un mot à tout ce que vous faites ce soir, dit Gobenheim, vous m’avez l’air d’être fous.

— Il s’agit cependant d’un trésor, dit Butscha qui se haussa sur la pointe de ses pieds pour arriver à l’oreille de Gobenheim.

— Malheureusement, Dumay, j’ai la presque certitude de ce que je vous ai dit, répéta la mère.

— C’est maintenant à vous, madame, dit Dumay d’une voix calme, à nous prouver que nous avons tort.

En voyant qu’il ne s’agissait que de l’honneur de Modeste, Gobenheim prit son chapeau, salua, sortit, en emportant dix sous, et regardant tout nouveau rubber comme impossible.

— Exupère et toi, Butscha, laissez-nous, dit madame Latournelle. Allez au Havre, vous arriverez encore à temps pour voir une pièce, je vous paye le spectacle.

Quand madame Mignon fut seule entre ses quatre amis, madame Latournelle, après avoir regardé Dumay, qui, Breton, comprenait l’entêtement de la mère, et son mari qui jouait avec les cartes, se crut autorisée à prendre la parole.

— Madame Mignon, voyons ? quel fait décisif a frappé votre entendement ?

— Eh ! ma bonne amie, si vous étiez musicienne, vous auriez entendu déjà comme moi, le langage de Modeste quand elle parle d’amour.

Le piano des deux demoiselles Mignon se trouvait dans le peu de meubles à l’usage des femmes qui furent apportés de la maison de ville au Chalet. Modeste avait conjuré quelquefois ses ennuis en étudiant sans maître. Née musicienne, elle jouait pour égayer sa mère. Elle chantait naturellement, et répétait les airs allemands