Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/443

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lieu de répondre à ce que venait de raconter madame de Reybert. — Oui, monsieur le comte. — Vous êtes née de Corroy ? — Oui, monsieur, une famille noble du pays Messin, le pays de mon mari. — Dans quel régiment servait monsieur de Reybert ? — Dans le 7e régiment d’artillerie. — Bien ! » avait répondu le comte en écrivant le numéro du régiment. Il avait pensé pouvoir donner la régie de sa terre à un ancien officier, sur le compte duquel il obtiendrait au Ministère de la Guerre les renseignements les plus exacts. — « Madame, avait-il repris en sonnant son valet de chambre, retournez à Presles avec mon notaire qui trouvera moyen d’y venir pour dîner, et à qui je vous ai recommandée ; voici son adresse. Je vais moi-même en secret à Presles, et ferai dire à monsieur de Reybert de me parler… » Ainsi la nouvelle du voyage de monsieur de Sérisy par la voiture publique et la recommandation de taire le nom du comte n’alarmaient pas à faux le messager, il pressentait le danger près de fondre sur une de ses meilleures pratiques.

En sortant du café de l’Échiquier, Pierrotin aperçut à la porte du Lion d’argent la femme et le jeune homme en qui sa perspicacité lui avait fait reconnaître des chalands ; car la dame, le cou tendu, le visage inquiet, le cherchait évidemment. Cette dame, vêtue d’une robe de soie noire reteinte, d’un chapeau de couleur carmélite, et d’un vieux cachemire français, chaussée en bas de filoselle et de souliers en peau de chèvre, tendit à la main un cabas de paille et un parapluie bleu de roi. Cette femme, autrefois belle, paraissait âgée d’environ quarante ans ; mais ses yeux bleus, dénués de la flamme qu’y met le bonheur, annonçaient qu’elle avait depuis longtemps renoncé au monde. Aussi sa mise, autant que sa tournure, indiquait-elle une mère entièrement vouée à son ménage et à son fils. Si les brides du chapeau étaient fanées, la forme datait de plus de trois ans. Le châle tenait par une aiguille cassée, convertie en épingle au moyen d’une boule de cire à cacheter. L’inconnue attendait impatiemment Pierrotin pour lui recommander ce fils, qui sans doute voyageait seul pour la première fois, et qu’elle avait accompagné jusqu’à la voiture, autant par défiance que par amour maternel. Cette mère était en quelque sorte complétée par son fils ; de même que, sans la mère, le fils n’eût pas été si bien compris. Si la mère se condamnait à laisser voir des gants reprisés, le fils portait une redingote olive dont les manches un peu courtes au poignet annonçaient qu’il grandirait encore, comme les adultes de