Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/485

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un futur général, et un jeune diplomate qui rendra quelque jour la Belgique à la France.

Après avoir commis le crime odieux de renier sa mère, Oscar, pris de rage en devinant combien ses compagnons de voyage se moquaient de lui, résolut de vaincre à tout pris leur incrédulité.

— Tout ce qui reluit n’est pas or, dit-il en lançant des éclairs par les yeux.

— Ça n’est pas ça, s’écria Mistigris. C’est : tout ce qui reluit n’est pas fort. Vous n’irez pas loin en diplomatie si vous ne possédez pas mieux vos proverbes.

— Si je ne sais pas bien les proverbes, je connais mon chemin.

— Vous devez aller loin, dit Georges, car la femme de charge de votre maison vous a glissé des provisions comme pour un voyage d’outre-mer : du biscuit, du chocolat…

— Un pain particulier et du chocolat, oui, monsieur, reprit Oscar, pour mon estomac beaucoup trop délicat pour digérer les ratatouilles d’auberge.

— Ratatouille est aussi délicat que votre estomac, dit Georges.

— Ah ! j’aime ratatouille, s’écria le grand peintre.

— Ce mot est à la mode dans les meilleures sociétés, reprit Mistigris.

— Votre précepteur est sans doute quelque professeur célèbre, M. Andrieux de l’Académie française, ou M. Royer-Collard, demanda Schinner.

— Mon précepteur se nomme l’abbé Loraux, aujourd’hui vicaire de Saint-Sulpice, reprit Oscar en se souvenant du nom du confesseur du collége.

— Vous avez bien fait de vous faire élever particulièrement, dit Mistigris, car l’Ennui naquit un jour de l’Université ; mais vous le récompenserez, votre abbé ?

— Certes, il sera quelque jour évêque, dit Oscar.

— Par le crédit de votre famille, dit sérieusement Georges.

— Peut-être contribuerons-nous à le faire mettre à sa place, car l’abbé Frayssinous vient souvent à la maison.

— Ah ! vous connaissez l’abbé Frayssinous ? demanda le comte.

— Il a des obligations à mon père, répondit Oscar.

— Et vous allez sans doute à votre terre ? fit Georges.

— Non, monsieur ; mais moi je puis dire où je vais, je vais au château de Presles, chez le comte de Sérisy.