Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/55

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génie de l’imitation sans être singe, il imitait gravement. Ainsi, quoique sans goût, il savait toujours adopter et toujours quitter les modes le premier. Accusé de passer un peu trop de temps à sa toilette et de porter un corset, il offrait le modèle de ces gens qui ne déplaisent jamais à personne en épousant sans cesse les idées et les sottises de tout le monde, et qui, toujours à cheval sur la circonstance, ne vieillissent point. C’est les héros de la médiocrité. Ce mari fut plaint, on trouva Béatrix inexcusable d’avoir quitté le meilleur enfant de la terre, et le ridicule n’atteignit que la femme. Membre de tous les clubs, souscripteur à toutes les niaiseries qu’enfantent le patriotisme ou l’esprit de parti mal entendus, complaisance qui le faisait mettre en première ligne à propos de tout, ce loyal, ce brave et très sot gentilhomme, à qui malheureusement tant de riches ressemblent, devait naturellement vouloir se distinguer par quelque manie à la mode. Il se glorifiait donc principalement d’être le sultan d’un sérail à quatre pattes gouverné par un vieil écuyer anglais, et qui par mois absorbait de quatre à cinq mille francs. Sa spécialité consistait à faire courir, il protégeait la race chevaline, il soutenait une revue consacrée à la question hippique ; mais il se connaissait médiocrement en chevaux, et depuis la bride jusqu’aux fers il s’en rapportait à son écuyer. C’est assez vous dire que ce demi-garçon n’avait rien en propre, ni son esprit, ni son goût, ni sa situation, ni ses ridicules ; enfin sa fortune lui venait de ses pères ! Après avoir dégusté tous les déplaisirs du mariage, il fut si content de se retrouver garçon, qu’il disait entre amis : — « Je suis né coiffé ! » Heureux surtout de vivre sans les dépenses de représentation auxquelles les gens mariés sont astreints, son hôtel, où depuis la mort de son père il n’avait rien changé, ressemblait à ceux dont les maîtres sont en voyage : il y demeurait peu, il n’y mangeait pas, il y couchait rarement. Voici la raison de cette indifférence.

Après bien des aventures amoureuses, ennuyé des femmes du monde qui sont véritablement ennuyeuses et qui plantent aussi par trop de haies d’épines sèches autour du bonheur, il s’était marié, comme on va le voir, avec la célèbre madame Schontz, célèbre dans le monde des Fanny-Beaupré, des Suzanne du Val-Noble, des Mariette, des Florentine, des Jenny Cadine, etc. Ce monde, de qui l’un de nos dessinateurs a dit spirituellement en en montrant le tourbillon au bal de l’Opéra : — « Quand on