Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blesse qui voulait mourir ou rester tout entière, qui méritait autant d’éloge que de blâme, et sera toujours imparfaitement jugée jusqu’à ce qu’un poète l’ait montrée heureuse d’obéir au roi en expirant sous la hache de Richelieu, et méprisant la guillotine de 89 comme une sale vengeance.

Ces quatre personnages se distinguaient tous par une voix grêle, particulièrement en harmonie avec leurs idées et leur maintien. D’ailleurs, la plus parfaite égalité régnait entre eux. L’habitude prise par eux à la cour de cacher leurs émotions les empêchait sans doute de manifester le déplaisir que leur causait l’incartade de leur jeune parente.

Pour empêcher les critiques de taxer de puérilité le commencement de la scène suivante, peut-être est-il nécessaire de faire observer ici que Locke se trouvant dans la compagnie de seigneurs anglais renommés pour leur esprit, distingués autant par leurs manières que par leur consistance politique, s’amusa méchamment à sténographier leur conversation par un procédé particulier, et les fit éclater de rire en la leur lisant, afin de savoir d’eux ce qu’on en pouvait tirer. En effet, les classes élevées ont en tout pays un jargon de clinquant qui, lavé dans les cendres littéraires ou philosophiques, donne infiniment peu d’or au creuset. À tous les étages de la société, sauf quelques salons parisiens, l’observateur retrouve les mêmes ridicules que différencient seulement la transparence ou l’épaisseur du vernis. Ainsi, les conversations substantielles sont l’exception sociale, et le béotianisme défraie habituellement les diverses zones du monde. Si forcément on parle beaucoup dans les hautes sphères, on y pense peu. Penser est une fatigue, et les riches aiment à voir couler la vie sans grand effort. Aussi est-ce en comparant le fond des plaisanteries par échelons, depuis le gamin de Paris jusqu’au pair de France, que l’observateur comprend le mot de monsieur de Talleyrand : Les manières sont tout, traduction élégante de cet axiome judiciaire : La forme emporte le fond. Aux yeux du poète, l’avantage restera aux classes inférieures qui ne manquent jamais à donner un rude cachet de poésie à leurs pensées. Cette observation fera peut-être aussi comprendre l’infertilité des salons, leur vide, leur peu de profondeur, et la répugnance que les gens supérieurs éprouvent à faire le méchant commerce d’y échanger leurs pensées.

Le duc s’arrêta soudain, comme s’il concevait une idée lumi-