Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/36

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une voix secrète qui lui disait : — Pourquoi mets-tu le pied dans ce mystère ?

Il monta quelques marches, et se trouva nez à nez avec la vieille portière.

— Monsieur Ferragus ?

— Connais pas…

— Comment, monsieur Ferragus ne demeure pas ici ?

— Nous n’avons pas ça dans la maison.

— Mais, ma bonne femme…

— Je ne suis pas une bonne femme, monsieur, je suis concierge.

— Mais, madame, reprit le baron, j’ai une lettre à remettre à monsieur Ferragus.

— Ah ! si monsieur a une lettre, dit-elle en changeant de ton, la chose est bien différente. Voulez-vous la faire voir, votre lettre ? Auguste montra la lettre pliée. La vieille hocha la tête d’un air de doute, hésita, sembla vouloir quitter sa loge pour aller instruire le mystérieux Ferragus de cet incident imprévu ; puis elle dit : — Eh ! bien, montez, monsieur. Vous devez savoir où c’est…. Sans répondre à cette phrase, par laquelle cette vieille rusée pouvait lui tendre un piége, l’officier grimpa lestement les escaliers, et sonna vivement à la porte du second étage. Son instinct d’amant lui disait : — Elle est là.

L’inconnu du porche, le Ferragus ou l’oteur des maux d’Ida, ouvrit lui-même. Il se montra vêtu d’une robe de chambre à fleurs, d’un pantalon de molleton blanc, les pieds chaussés dans de jolies pantoufles en tapisserie, et la tête débarbouillée. Madame Jules, dont la tête dépassait le chambranle de la porte de la seconde pièce, pâlit et tomba sur une chaise.

— Qu’avez-vous, madame, s’écria l’officier en s’élançant vers elle.

Mais Ferragus étendit le bras et rejeta vivement l’officieux en arrière par un mouvement si sec qu’Auguste crut avoir reçu dans la poitrine un coup de barre de fer.

— Arrière ! monsieur, dit cet homme. Que nous voulez-vous ? Vous rôdez dans le quartier depuis cinq à six jours. Seriez-vous un espion ?

— Êtes-vous monsieur Ferragus ? dit le baron.

— Non, monsieur.