Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reille fête : où trouver l’argenterie, la verrerie, les rafraîchissements, la vaisselle, le service ? Et qui donc surveillerait tout ? Elle priait Birotteau de se mettre à la porte des appartements et de ne laisser entrer que les invités, elle avait entendu raconter d’étranges choses sur les gens qui venaient à des bals bourgeois en se réclamant d’amis qu’ils ne pouvaient nommer. Quand, dix jours auparavant, Braschon, Grindot, Lourdois et Chaffaroux, l’entrepreneur en bâtiment, eurent affirmé que l’appartement serait prêt pour le fameux dimanche du dix-sept décembre, il y eut une conférence risible le soir, après dîner, dans le modeste petit salon de l’entresol, entre César, sa femme et sa fille, pour composer la liste des invités et faire les invitations, que le matin un imprimeur avait envoyées imprimées en belle anglaise, sur papier rose, et suivant la formule du code de la civilité puérile et honnête.

— Ah ! çà, n’oublions personne, dit Birotteau.

— Si nous oublions quelqu’un, dit Constance, il ne s’oubliera pas. Madame Derville, qui ne nous avait jamais fait de visite, est débarquée hier au soir en quatre bateaux.

— Elle était bien jolie, dit Césarine, elle m’a plu.

— Cependant avant son mariage elle était encore moins que moi, dit Constance, elle travaillait en linge, rue Montmartre, elle a fait des chemises à ton père.

— Eh ! bien, commençons la liste, dit Birotteau, par les gens les plus huppés. Écris, Césarine : Monsieur le duc et madame la duchesse de Lenoncourt…

— Mon Dieu ! César, dit Constance, n’envoie donc pas une seule invitation aux personnes que tu ne connais qu’en qualité de fournisseur. Iras-tu inviter la princesse de Blamont-Chauvry, encore plus parente à feu ta marraine, la marquise d’Uxelles, que le duc de Lenoncourt ? Inviterais-tu les deux messieurs de Vandenesse, monsieur de Marsay, monsieur de Ronquerolles, monsieur d’Aiglemont, enfin tes pratiques ? Tu es fou, les grandeurs te tournent la tête.

— Oui, mais monsieur le comte de Fontaine et sa famille. Hein ! celui-là venait sous son nom de Grand-Jacques, avec le Gars, qui était monsieur le marquis de Montauran, et monsieur de La Billardière, qui s’appelait le Nantais, à la Reine des Roses, avant la grande affaire du treize vendémiaire. C’était alors des poignées de main ! Mon cher Birotteau, du courage ! faites-vous tuer