Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/391

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pait, comme la perruque du patron, en mille tire-bouchons égrillards. Cette pièce, évidemment autrefois le salon de l’appartement avant qu’il ne fût converti en bureau de banque, offrait pour principal ornement une table ronde revêtue d’un tapis en drap vert autour de laquelle étaient de vieilles chaises en maroquin noir et à clous dédorés. La cheminée, assez élégante, ne présentait à l’œil aucune des morsures noires que laisse le feu, sa plaque était propre, sa glace injuriée par les mouches avait un air mesquin, d’accord avec une pendule en bois d’acajou qui provenait de la vente de quelque vieux notaire et qui ennuyait le regard, attristé déjà par deux flambeaux sans bougie et par une poussière gluante. Le papier de tenture, gris de souris, bordé de rose, annonçait par des teintes fuligineuses le séjour malsain de quelques fumeurs. Rien ne ressemblait davantage au salon banal que les journaux appellent Cabinet de rédaction. Birotteau, craignant d’être indiscret, frappa trois coups brefs à la porte opposée à celle par laquelle il était entré.

— Entrez ! cria Claparon, dont la tonalité révéla la distance que sa voix avait à parcourir et le vide de cette pièce où le parfumeur entendait pétiller un bon feu, mais où le banquier n’était pas.

Cette chambre lui servait en effet de cabinet particulier. Entre la fastueuse audience de Keller et la singulière insouciance de ce prétendu grand industriel, il y avait toute la différence qui existe entre Versailles et le wigham d’un chef de Hurons. Le parfumeur avait vu les grandeurs de la banque, il allait en voir les gamineries. Couché dans une sorte de bouge oblong pratiqué derrière le cabinet, et où les habitudes d’une vie insoucieuse avaient abîmé, perdu, confondu, déchiré, encrassé, ruiné tout un mobilier à peu près élégant dans sa primeur, Claparon, à l’aspect de Birotteau, s’enveloppa dans sa robe de chambre crasseuse, déposa sa pipe, et tira les rideaux du lit avec une rapidité qui fit suspecter ses mœurs par l’innocent parfumeur.

— Asseyez-vous, monsieur, dit le banquier.

Claparon sans perruque et la tête enveloppée dans un foulard mis de travers, parut d’autant plus hideux à Birotteau que la robe de chambre en s’entr’ouvrant laissa voir une espèce de maillot en laine blanche tricotée, rendue brune par un usage infiniment trop prolongé.

— Voulez-vous déjeuner avec moi ? dit Claparon en se rappelant