Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/407

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— Mais Birotteau, lui dit sa femme, passe donc cela, et vois s’il nous envoie quelque chose.

— Nous la relirons souvent, reprit le marchand en essuyant ses larmes et entr’ouvrant la lettre d’où tomba un mandat sur le trésor royal. J’étais bien sûr de lui, pauvre frère, dit Birotteau en saisissant le mandat. « … Je suis allé chez madame de Listomère, reprit-il en lisant d’une voix entrecoupée par les pleurs, et sans lui dire le motif de ma demande, je l’ai priée de me prêter tout ce dont elle pouvait disposer en ma faveur, afin de grossir le fruit de mes économies. Sa générosité m’a permis de compléter une somme de mille francs, je te l’adresse en un mandat du receveur-général de Tours sur le Trésor. »

— La belle avance ! dit Constance en regardant Césarine.

« En retranchant quelques superfluités dans ma vie, je pourrai rendre en trois ans à madame de Listomère les quatre cents francs qu’elle m’a prêtés, ainsi ne t’en inquiète pas, mon cher César. Je t’envoie tout ce que je possède dans le monde, en souhaitant que cette somme puisse aider à une heureuse conclusion de tes embarras commerciaux, qui, sans doute ne seront que momentanés. Je connais ta délicatesse, et veux aller au devant de tes objections. Ne songe ni à me donner aucun intérêt de cette somme, ni à me la rendre dans un jour de prospérité qui ne tardera pas à se lever pour toi, si Dieu daigne entendre les prières que je lui adresserai journellement. D’après ta dernière reçue il y a deux ans, je te croyais riche, et pensais pouvoir disposer de mes économies en faveur des pauvres ; mais maintenant, tout ce que j’ai t’appartient. Quand tu auras surmonté ce grain passager de ta navigation, garde encore cette somme pour ma nièce Césarine, afin que, lors de son établissement, elle puisse l’employer à quelque bagatelle qui lui rappelle un vieil oncle dont les mains se lèveront toujours au ciel pour demander à Dieu de répandre ses bénédictions sur elle et sur tous ceux qui lui seront chers. Enfin, mon cher César, songe que je suis un pauvre prêtre qui va à la grâce de Dieu comme les alouettes des champs, marchant dans mon sentier, sans bruit, tâchant d’obéir aux commandements de notre divin Sauveur, et à qui conséquemment il faut peu de chose. Ainsi, n’aie pas le moindre scrupule dans la circonstance difficile où tu te trouves, et pense à moi comme à quelqu’un qui t’aime tendrement. Notre excellent abbé Chapeloud, auquel je n’ai point dit ta situation, et qui sait