Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vos fabriques et soixante mille francs d’effets Popinot. On peut donc lutter, car après vous pourrez emprunter sur les terrains de la Madeleine. Si votre principal créancier consent à vous aider, je ne regarderai pas à ma fortune, je vendrai mes rentes, je serai sans pain. Popinot sera entre la vie et la mort ; quant à vous, vous serez à la merci du plus petit événement commercial. Mais l’huile rendra sans doute de grands bénéfices. Popinot et moi nous venons de nous consulter, nous vous soutiendrons dans cette lutte. Ah ! je mangerai bien gaiement mon pain sec si le succès point à l’horizon. Mais tout dépend de Gigonnet et des associés Claparon. Popinot et moi, nous irons chez Gigonnet de sept à huit heures, et nous saurons à quoi nous en tenir sur leurs intentions.

Constance se jeta tout éperdue dans les bras de son oncle, sans autre voix que des larmes et des sanglots. Ni Popinot ni Pillerault ne pouvaient savoir que Bidault dit Gigonnet, et Claparon étaient du Tillet sous une double forme, que du Tillet voulait lire dans les Petites-Affiches ce terrible article :

« Jugement du tribunal de commerce qui déclare le sieur César Birotteau, marchand parfumeur, demeurant à Paris, rue Saint-Honoré, no 397, en état de faillite, en fixe provisoirement l’ouverture au 16 janvier 1819. Juge-commissaire, monsieur Gobenheim-Keller. Agent, monsieur Molineux. »

Anselme et Pillerault étudièrent jusqu’au jour les affaires de César. À huit heures du matin, ces deux héroïques amis, l’un vieux soldat, l’autre sous-lieutenant d’hier, qui ne devaient jamais connaître que par procuration les terribles angoisses de ceux qui avaient monté l’escalier de Bidault dit Gigonnet, s’acheminèrent, sans se dire un mot, vers la rue Grenétat. Ils souffraient. À plusieurs reprises, Pillerault passa sa main sur son front.

La rue Grenétat est une rue où toutes les maisons, envahies par une multitude de commerces, offrent un aspect repoussant ; les constructions y ont un caractère horrible, l’ignoble malpropreté des fabriques y domine. Le vieux Gigonnet habitait le troisième étage d’une maison dont toutes les fenêtres étaient à bascule et à petits carreaux sales. Son escalier descendait jusque sur la rue. Sa portière était logée à l’entresol, dans une cage qui ne tirait son jour que de l’escalier et d’une échappée sur la rue. Excepté Gigonnet, tous les locataires exerçaient un état. Il venait, il sortait continuellement des ouvriers. Les marches étaient donc revêtues