Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/422

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yeux mouillés à l’aspect du touchant tableau de ces trois êtres unis, confondus dans un embrassement au milieu duquel Birotteau, le plus faible des trois, le plus abattu, leva la main en disant : Espérons !

— Pour économiser, dit l’oncle, tu logeras avec moi, garde ma chambre et partage mon pain. Il y a long-temps que je m’ennuie d’être seul, tu remplaceras ce pauvre enfant que j’ai perdu. D’ici, tu n’auras qu’un pas pour aller, rue de l’Oratoire, à ta Caisse.

— Dieu de bonté, s’écria Birotteau, au fort de l’orage une étoile me guide.

En se résignant, le malheureux consomme son malheur. La chute de Birotteau se trouvait dès lors accomplie, il y donnait son consentement, il redevenait fort.

Après avoir déposé son bilan, un commerçant ne devrait plus s’occuper que de trouver une oasis en France ou à l’étranger pour y vivre sans se mêler de rien, comme un enfant qu’il est : la loi le déclare mineur et incapable de tout acte légal, civil et civique. Mais il n’en est rien. Avant de reparaître, il attend un sauf-conduit que jamais ni juge-commissaire ni créancier n’ont refusé, car s’il était rencontré sans cet exeat, il serait mis en prison, tandis que, muni de cette sauvegarde, il se promène en parlementaire dans le camp ennemi, non par curiosité, mais pour déjouer les mauvaises intentions de la loi relativement aux faillis. L’effet de toute loi qui touche à la fortune privée est de développer prodigieusement les fourberies de l’esprit. La pensée des faillis, comme de tous ceux dont les intérêts sont contre-carrés par une loi quelconque, est de l’annuler à leur égard. La situation de mort civil, où le failli reste comme une chrysalide, dure trois mois environ, temps exigé par les formalités avant d’arriver au congrès où se signe entre les créanciers et le débiteur un traité de paix, transaction appelée Concordat. Ce mot indique assez que la concorde règne après la tempête soulevée entre des intérêts violemment contrariés.

Sur le vu du bilan, le tribunal de commerce nomme aussitôt un juge-commissaire qui veille aux intérêts de la masse des créanciers inconnus et doit aussi protéger le failli contre les entreprises vexatoires de ses créanciers irrités : double rôle qui serait magnifique à jouer, si les juges-commissaires en avaient le temps. Ce juge-commissaire investit un agent du droit de mettre la main sur les fonds, les valeurs, les marchandises, en vérifiant l’actif porté dans le