Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/110

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voir représenter ; et nous éprouvions que nos larmes pouvoient couler avec douceur pour d’autres malheurs que ceux d’Oreste ou d’Andromaque ; nous sentions que plus l’action ressemble aux événements ordinaires de la vie, plus les personnages sont rapprochés de notre condition ; et plus l’illusion est complette, l’intérêt puissant, et l’instruction frappante.

C’est, ce me semble, dans la classe des drames que l’on doit ranger Sydnei, mais, quelque nom qu’on lui donne, cette pièce sera toujours un chef d’œuvre, j’y retrouve ce caractère d’un talent original, que j’ai déjà remarqué dans les différentes productions de Gresset, il falloit toutes les ressources de ce talent pour oser le premier développer sur la Scene Françoise la situation d’un homme fatigué de la vie, occupé des tristes apprêts d’une mort volontaire ; et pour traiter avec succès un sujet si lugubre, si étranger à nos mœurs et à notre théâtre. C’est cependant dans le seul développement de ce caractère qu’il a trouvé la matière d’un de nos meilleurs drames : On a admiré l’art, avec lequel il a sçu le faire ressortir par le contraste de la mélancolie du principal personnage avec la gaité qui brille dans le rôle du Valet ; on a été frappé de la force et de l’élégance qui distingue le style de cet ouvrage, mais ce qui me paroit ici la preuve la plus certaine du génie, c’est une intrigue également simple et intéressante qui n’est point refroidie par la philosophie qui domine toute la pièce et quelle philosophie ! On croiroit quelques fois lire le plus sublime Dialogue de Platon ; si l’intérêt du roman, croissant toujours de Scène en Scène jusqu’au dénouement le plus heureux et le plus naturel, ne mettoit Sydnei au rang des ouvrages dramatiques les plus estimables.

Cependant, le dirai-je ? le mérite même de cette pièce, simple, belle, touchante, mais peu éclatante à la représentation, joint à la nature du sujet, qui a trop peu de rapport avec l’humour de notre nation, fera peut-être qu’elle sera beaucoup lue, et jouée rarement ; différente en cela d’un