Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/124

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Que dis-je ? Messieurs, le sujet que je traite n’est-il pas lui même un monument de ce sentiment généreux qui vous anime ? Puisse-je avoir été assez heureux pour le seconder ! Mais le ton que j’ai adopté dans cet éloge exige peut être de moi quelques réflexions.

J’ai loué Gresset d’une manière très décidée : non pour remplir le rôle d’un panégyriste, mais pour suivre ma propre conviction. Je méprise une plume complaisante qui peut prostituer à la médiocrité l’hommage qui n’est du qu’au mérite éclatant, et je hais presqu’autant la méthode de ces écrivains, qui prennant avec leur héros la morgue d’un juge et la fierté d’un censeur, relèvent minucieusement les plus foibles taches ; parlent froidement des plus grandes beautés, et changent l’éloge d’un grand homme en une sèche et severe critique.

J’ai fait un mérite à Gresset des choses mêmes qui lui ont attiré les sarcasmes d’un grand nombre de gens de lettres ; j’ai osé insister sur sa vertu ; sur son respect pour les mœurs, sur son amour pour la religion ; je me suis donc exposé aux ridicule, aux yeux d’une foule de beaux esprits ; mais, en même temps, je me suis assuré deux suffrages faits pour me dédommager de cet inconvénient : celui de ma conscience et le votre.

Quant au mérite littéraire, je n’ai point hésité à placer Gresset au rang des plus beaux génies, qui aient illustré notre littérature. Je n’ai pas compté ses ouvrages ; j’ai cru qu’il falloit les peser. J’ai été frappé de voir un poète débutant, dez sa première jeunesse, dans la carrière des lettres par une production, qui étonne les plus grands maîtres ; parcourant ensuite rapidement tant de genres différens, et, malgré le petit nombre de ses ouvrages, laissant presqu’autant de chefs-d’œuvres que de coups d’essai. Ses succès dans la comédie, dans le drame, dans l’ode même ; les beautés vraiment tragiques qui brillent dans Édouard ; un poème héroi-comique regardé comme le modèle de ce genre ; la palme de la poésie legère remportée sur tant de poètes charmans,