Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/154

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ainsi dire, les yeux autour de lui pour chercher les hommes illustres qui fesoient l’ornement de son Empire, et distinguer dans la foule un citoyen modeste et paisible pour couronner à la fois dans sa personne, et les talens et les vertus. Il est beau, ce me semble, de voir le Souverain annoncer lui-même dans le préambule des Lettres dont je parle, que Gresset doit à ce double titre cette éclatante faveur, et déclarer par là, comme à la lace de sa Nation, que le génie ne peut prétendre à son estime, qu’à condition qu’il respectera lui-même la Religion et les mœurs.

On sçait que le Roi ajouta bientôt à cette grâce un bienfait non moins flatteur, en accordant à Gresset le Cordon de son Ordre, et le titre d’Historiographe de celui de S. Lazare ; et j’ose croire que ces distinctions furent plus honorables aux Lettres en général, et au Monarque qui les donna, qu’au Poëte célèbre qui les reçut.

Elles n’ajoutoient rien à la véritable gloire de Gresset. Sans Lettres de Noblesse, le génie est toujours noble ; il est illustre sans aucun signe extérieur d’illustration. Son nom et ses ouvrages : voilà ses titres de noblesse ; c’est par eux qu’il est grand chez toutes les Nations, et dans tous les siècles, tandis que ceux qui ne le furent que par des dignités, sont à jamais replongés dans le néant. Toutes les prérogatives qu’il a partagées avec eux, disparoissent aux yeux de la postérité, qui ne s’informe pas de ce qu’un grand homme a été, mais de ce qu’il a fait.

Mais cette équitable postérité n’en consacre pas moins la mémoire des Rois, qui, mettant les avantages que les Lettres procurent à l’État au rang des services qui donnent droit à ses récompenses, sçavent encourager les talens, et relever à la fois l’éclat de la noblesse même, en l’associant au génie, et en la faisant le prix de ses sublimes travaux.

Gresset ne jouit pas long-tems de ces honneurs. Une mort prompte l’enleva à la Littérature et à la Patrie. Je n’arrêterai pas mes regards sur sa tombe, comme s’il y avoit été enseveli tout entier. Celui qui fut à la fois homme