Au reste si j’avois eu à démontrer la vérité de la maxime que je viens d’exposer[1], par un exemple frappant, j’aurois choisi précisément celui que me fournit le préjugé dont il est ici question.
Mais ici j’entens des voix s’élever en sa faveur ; je crois rencontrer déz le premier pas un sophisme accrédité, qui lui a donné un assez grand nombre de partisans.
Il est, dit-on, salutaire au genre humain[2] ; il prévient une infinité de crimes ; il force les parens à veiller sur la conduite des parens ; il rend les familles garantes des membres qui les composent.
Des citoiens garans des crimes d’un autre citoien ![3]condamnés à l’infamie qu’un autre a méritée… eh ! c’est précisément ce monstre de l’ordre social que j’attaque. C’est par des loix sages, c’est par le maintien des mœurs plus puissantes que les loix, qu’il faut arrêter le crime ; et non par des usages atroces toujours plus contraires[4] au bien de la société que les délits même qu’ils pourroient prévenir.
À la Chine on a imaginé un moien assez frappant d’établir cette espèce de garantie dont on nous vante les avantages. Là, les loix condamnent à mort les peres dont les enfans ont commis un crime capital, que n’adoptons nous cette loi ? cette idée nous fait frémir !… et nous l’avons réalisée. Ne nous prévalons pas de la circonstance que nous n’avons pas été jusqu’à ôter la vie aux parens des[5] coupables : nous avons fait plus, même dans nos propres principes, puisque nous rougirions de mettre la vie même en concurrence avec l’honneur.
Mais aprèz tout ce préjugé nous donne-t-il en effet le[6] foible dédommagement qu’on nous promet ? Comment diminue-t-il le nombre des crimes ? est-ce de la part de ceux qui sont capables de les commettre ? je n’ai pas l’idée d’un homme assez scélérat pour fouler aux pieds les loix les plus