Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/49

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leurs fortunes, leur industrie, leurs talens et la haine de la pairie qui les a persécutés.

Ce préjugé fatal semble fait pour être le signal de la discorde [1]. C’est par lui qu’une barrière insurmontable s’élève tout à coup entre des familles prêtes à s’unir par une étroite alliance ; c’est par lui que le dédain, le mépris, le deuil, le désespoir succède à l’estime, à l’amour, à la joie, à l’ivresse du bonheur ; c’est lui qui arrachant l’un à l’autre des amans dont l’hymen alloit combler les vœux ordonne à l’un de trahir sa foi, et condamne l’autre à l’impuissance de remplir jamais un des devoirs les plus sacrés du citoien.

C’est ce même préjugé qui allume tant de querelles funestes ; le mépris auquel il dévoue ses victimes les expose [2] sans cesse à des affronts qu’elles ne souffrent pas toujours avec patience ; la cause de leur deshonneur est un des textes d’injures les plus familiers à la haine, à l’insolence, à la brutalité, au faux honneur : de là les dissensions[3], les rixes, et surtout les duels ; c’est ainsi que ce préjugé fournit un aliment[4] à cette frénésie et devient un des appuis d’une autre mode presqu’aussi funeste et aussi barbare que lui, et qu’il est sans doute bien digne de protéger.

Il produit encore un autre inconvénient, moins sensible peut-être ; mais non moins réel : il affoiblit le nerf de l’authorité paternelle[5].

J’ai vu des enfans pervers s’appercevoir qu’ils tenoient dans leurs mains la destinée de leurs parens ; se prévaloir de cet odieux avantage, pour leur arracher d’injustes complaisances [6] ; forcer la foiblesse de leurs peres à capituler, pour ainsi dire, avec eux, a oublier une sévérité nécessaire, par

  1. Là finit la variante de 1785
  2. Éd. de 1783 : funestes : Ceux qu’il flétrit sont sans cesse exposés à des affronts qu’ils ne souffrent pas toujours patiemment La cause de leurs malheurs est.
  3. discussions
  4. aliment inépuisable à cette autre frénésie, non moins funeste ni moins barbare que lui, et avec laquelle il est sans doute bien digne de s’allier.
  5. il affoiblit… paternelle deest.
  6. les forcer à se relâcher d’une sévérité nécessaire.