Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/55

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les décorer des marques de leur faveur, lorsqu’ils les auront méritées par leurs services ; ou plutôt qu’ils saisissent avec empressement toute occasion de les récompenser ; que, toutes choses égales ils leur accordent même sur leurs concurrens une préférence qui n’a rien d’injuste ; que des places des distinctions, des titres d’honneur, qu’un regard favorable, un mot flatteur annonce souvent au public que le monarque oublie les fautes de leurs proches pour ne voir que leur mérite personnel, qu’il méprise ce vil préjugé qui ose dégrader la vertu même ; bientôt sa conduite sera la loi de tous ses sujets.

Qui pourra demeurer l’esclave de cette absurde opinion, lorsqu’il verra le prince se faire une gloire de la braver et un devoir de la détruire ? Qui méprisera des hommes irréprochables, honorés de son estime et de sa bienveillance, dans des pays où la faveur est l’idole de tous les sujets ; où ceux qui l’obtiennent sont pour les autres des objets d’admiration et d’envie ; où le suffrage et les récompenses du souverain sont regardés comme le comble de la gloire et le terme de l’ambition ? J’ai fait voir que l’honneur est le principe du préjugé dont je parle ; et ceux sur qui l’honneur a le plus d’empire sont ceux qui attachent le plus de prix à l’éclat des distinctions et au bonheur de fixer l’attention du prince ; quand il opposera son exemple au préjugé, il sera donc sûr de le combattre avec des armes invincibles.

Ah ! plut au ciel que ce foible ouvrage pût parvenir jusqu’au jeune monarque qui nous gouverne ! une idée utile à l’humanité ne lui seroit pas vainement présentée. Celui qui proscrivant un usage barbare consacré par une jurisprudence ancienne a épargné aux accusés des cruautés inutiles, est digne d’arracher des citoiens innocens à l’ignominie qui doit être réservée pour le crime. Dompter un préjugé atroce qui traîne tant de maux aprez lui, seroit un triomphe d’un nouveau genre dont il ne partageroit la gloire avec aucun souverain, et dont l’éclat ne seroit point effacé aux yeux de la postérité par les grans évenemens qui ont illustré son règne.