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Séance du 8 thermidor An II

si ce n’est les Chaumette, les Hébert, les Danton, les Chabot, les Delacroix ? Est-ce donc la mémoire des conjurés qu’on veut défendre ? Est-ce la mort des conjurés qu’on veut venger[1] ? Si l’on nous accuse d’avoir dénoncé quelques traîtres, qu’on accuse donc la Convention qui les a accusés ; qu’on accuse la justice qui les a frappés ; qu’on accuse le peuple qui a applaudi à leur châtiment. Quel est celui qui attente à la représentation nationale, de celui qui poursuit ses ennemis, ou de celui qui les protège ? Et depuis quand la punition du crime épouvante-t-elle la vertu ?

Telle est cependant la base de ces projets de dictature et d’attentats contre la liberté nationale, imputés d’abord au Comité de salut public en général. Par quelle fatalité cette grande accusation a-t-elle été transportée tout à coup sur la tête d’un seul de ses membres ? Etrange projet d’un homme, d’engager la Convention nationale à s’égorger elle-même en détail de ses propres mains pour lui frayer le chemin du pouvoir absolu ! Que d’autres aperçoivent le côté ridicule de ces inculpations ; c’est à moi de n’en voir que l’atrocité. Vous rendrez au moins compte[2] à l’opinion publique de votre affreuse persévérance à poursuivre le projet d’égorger tous les amis de la patrie, monstres qui cherchez à me ravir l’estime de la Convention nationale, le prix le plus glorieux des travaux d’un mortel, que je n’ai ni usurpé, ni surpris, mais que j’ai été forcé de conquérir ! Paraître un objet de terreur aux yeux de ce qu’on révère et de ce qu’on aime, c’est pour un homme sensible et probe le plus affreux des supplices ; le lui faire subir, c’est le plus grand des forfaits. Mais j’appelle toute votre indignation sur les manœuvres atroces employées pour étayer ces extravagantes calomnies.

Partout les actes d’oppression avaient été multipliés pour étendre le système de terreur et de calomnie ; des agents impurs prodiguaient les arrestations injustes ; des projets de finance destructeurs menaçaient toutes les fortunes modiques, et portaient le désespoir dans une multitude innombrable de familles attachées à la Révolution ; on épouvantait les nobles et les prêtres par des motions concertées ; les paiements des créanciers de l’État et des fonctionnaires publics étaient suspendus ; on surprenait au Comité de salut public un arrêté qui renouvelait les poursuites contre les membres de la Commune du 10 août, sous le prétexte d’une reddition des comptes. Au sein de la Convention on prétendait que la Montagne était menacée, parce que

  1. Lignes raturées : « Il est bon de remarquer que, depuis leur punition, les Comités qui les ont dénoncés, loin d’être agresseurs, ont toujours été sur la défensive. Depuis quand est-ce donc la punition du crime qui épouvante la vertu ? Est-ce attenter à la représentation nationale que de lui nommer les ennemis de la patrie et les siens ? » (Note orig.)
  2. Le mot souligné ne se trouve pas dans le manuscrit ; il paraît avoir été oublié. (Note orig.)