Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/396

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— Il me conduit chez le maître, dit-il.

— Et eux, les maîtres, te commandent-ils aussi ?

— Assurément.

— Voilà bien des maîtres et des gouverneurs que ton père t’impose volontairement. Mais naturellement, quand tu rentres au logis, près de ta mère, elle te laisse faire, elle, ce que tu veux de ses laines ou de sa toile, quand elle tisse, afin de te rendre heureux en ce qui dépend d’elle ? car elle ne t’empêche pas sans doute de toucher à sa spatule, ou à sa navette, ou à quelque autre des outils qui servent au travail de la laine ? »

Il se mit à rire et me dit : « Non, par Zeus, Socrate ; non seulement elle m’en empêche, mais encore j’aurais sur les doigts, si j’y touchais.

— Par Héraclès, m’écriai-je, est-ce que tu n’aurais pas offensé ton père et ta mère ?

— Non, par Zeus, je ne les ai pas offensés, répondit-il.

V. — Que leur as-tu donc fait alors pour qu’ils mettent une telle rigueur à t’empêcher d’être heureux et d’agir à ta guise, et pourquoi te tiennent-ils sans relâche tout le jour sous la dépendance de quelqu’un, en un mot dans l’impossibilité de réaliser aucun de tes désirs ? si bien qu’on pourrait croire que de tant de richesses tu ne retires, toi, aucun profit, et que tout le monde a la haute main dessus plutôt que toi, et que tu as beau être noble de ta personne, tu n’en es pas moins soumis à la direction et aux soins d’un autre, tandis que toi, Lysis, tu ne commandes à personne et tu ne fais rien de ce que tu désires.

— C’est que, répondit-il, je n’ai pas encore l’âge, Socrate.

— Peut-être n’est-ce pas cela qui t’en empêche, fils de Démocrate, puisqu’il y a, je crois, certaines choses que ton père et ta mère te laissent faire, sans attendre que tu aies l’âge. Ainsi, quand ils veulent se faire lire ou écrire quelque chose, c’est toi, je pense, plutôt que toute autre personne de la maison, qu’ils chargent de ce soin, n’est-ce pas vrai ?

— Si fait, répondit-il.