Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/492

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Socrate

Poursuivons : dans l’art de jouer de la flûte ou de la cithare, ou de chanter en s’accompagnant de la cithare, ou de réciter des vers, tu n’as jamais vu non plus, je pense, un homme qui soit capable de discuter sur Olympos, ou Thamyras, ou Orphée, ou Phémios, le rhapsode d’Ithaque, et qui, à propos d’Ion d’Éphèse, soit embarrassé et ne sache que dire sur ses qualités ou ses défauts de rhapsode ?

Ion

Je n’ai rien à dire là contre, Socrate ; mais s’il est une chose dont j’aie conscience, c’est que personne au monde ne parle d’Homère aussi bien que moi, que j’en parle d’abondance, et que tout le monde reconnaît que j’en parle bien, tandis que je n’ai rien à dire des autres. Vois donc quelle en peut être la cause.

Socrate

V. — Je vois, Ion, et je vais te faire voir ce que c’est, à mon avis. C’est que ce don que tu as de bien parler d’Homère n’est pas, je le disais tout à l’heure, un art, mais une vertu divine, qui te meut, semblable à celle de la pierre qu’Euripide appelle pierre de Magnésie, mais que la plupart appellent pierre d’Héraclée. Et en effet cette pierre non seulement attire les anneaux de fer, mais encore elle leur communique sa vertu, de sorte qu’ils peuvent faire ce que fait la pierre, attirer d’autres anneaux, si bien que parfois on voit pendre, attachés les uns aux autres, une longue suite d’anneaux de fer, et tous tirent leur pouvoir de cette pierre. C’est ainsi que la Muse inspire elle-même les poètes, et, ceux-ci transmettant l’inspiration à d’autres, il se forme une chaîne d’inspirés. Ce n’est pas en effet par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes ; et les grands poètes lyriques de même. Comme les Corybantes ne dansent que lorsqu’ils sont hors d’eux-mêmes, ainsi