Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/85

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e sauve, c’est que je ne rougis pas d’apprendre, je m’informe, je questionne et je sais beaucoup de gré à ceux qui me répondent, et jamais ma reconnaissance n’a fait faute à aucun d’eux. Jamais je n’ai nié que je m’étais instruit auprès de quelqu’un et je ne me suis jamais attribué ce que j’avais appris comme ma propre découverte. Au contraire, je loue celui qui m’a instruit comme un homme qui sait, et je publie ce que j’ai appris de lui. Aujourd’hui encore je n’acquiesce point à ce que tu dis et je suis fort loin de partager ton opinion. Je sais bien que c’est ma faute, parce que je suis ce que je suis, pour ne pas forcer l’expression en parlant de moi. Il me paraît en effet, Hippias, que la vérité est tout le contraire de ce que tu dis et que ceux qui nuisent aux autres, qui sont injustes, qui mentent, qui trompent et font le mal volontairement et non malgré eux sont meilleurs que ceux qui le font sans le vouloir. Parfois cependant il me paraît que c’est tout le contraire et je flotte entre deux opinions, évidemment faute de savoir. Pour le moment, je suis en proie à une sorte de transport qui me fait croire que ceux qui commettent une faute volontairement sont meilleurs que ceux qui la commettent involontairement. J’attribue la cause de ce que j’éprouve actuellement à nos raisonnements précédents, d’après lesquels il me paraît en ce moment que ceux qui commettent ces fautes sans le vouloir sont plus méchants que ceux qui les commettent volontairement. Montre-toi donc complaisant et ne refuse pas de guérir mon âme ; car tu me rendras un bien plus grand service en guérissant mon âme de son ignorance que mon corps d’une maladie. Mais si tu veux tenir un long discours, je t’avertis que tu ne me guériras pas ; car je ne pourrai pas te suivre ; si, au contraire, tu veux bien me répondre comme tout à l’heure, tu me feras beaucoup de bien et je m’imagine que cela ne te nuira pas à toi non plus. Et toi aussi, fils d’Apèmantos, j’aurais bien le droit de t’appeler à mon secours ; car c’est toi qui m’as excité à entrer en conversation avec Hippias. A présent, si Hippias se refuse à me répondre, prie-le pour moi.