Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/416

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d’un arc et de flèches. L’autre Amour, suivant d’autres poètes, est le plus jeune des dieux et le fils de Vénus : on lui donne tous les attributs du plus ancien, et ils se ressemblent à certains égards.

Cette fable se rapporte au berceau de la nature et remonte à l’origine des choses. L’Amour paraît n’être que l’appétit ou le stimulus de la matière, ou, pour développer un peu plus notre pensée, le mouvement naturel de l’atome. C’est cette force unique, et la plus ancienne de toutes, qui, en agissant sur la matière, forme et constitue tous les composés ; elle est absolument sans père, c’est-à-dire, sans cause, la cause d’un effet en étant pour ainsi dire le père. Or une telle force ne peut avoir aucune cause dans la nature, excepté Dieu (exception qu’il faut toujours faire) ; car, rien n’ayant existé avant cette force, elle ne peut avoir de cause productive ni être un effet, et, comme elle est ce qu’il y a de plus universel dans la nature, elle n’a pas non plus de genre ni de forme (de différence spécifique). En conséquence, quelle que puisse être cette force, elle est positive, absolument sourde (unique en son espèce et en son genre, sans corrélatifs et incomparable). De plus, s’il était possible de connaître sa nature et son mode d’action, on ne pourrait parvenir à cette double connaissance par celle de sa cause ; car étant, après Dieu, la cause de toutes les causes, elle est elle-même sans cause, et par conséquent inexplicable. Il se peut toutefois que la pensée humaine ne puisse saisir et embrasser son véritable mode. Ainsi les poètes le regardent avec raison comme l’œuf pondu par la Nuit. Ce philosophe sublime, dont les ouvrages font partie des saintes écritures, s’exprime ainsi à ce sujet : « Il a fait chaque chose pour être belle en son temps, et il a livré le monde à leurs disputes ; de manière cependant que l’homme ne découvre jamais l’œuvre que Dieu a exécutée depuis le commencement jusqu’à la fin : » car la loi sommaire de la nature, ou la force de ce Cupidon, que Dieu a imprimée lui-même dans toutes les particules de la matière, et dont l’action réitérée ou multipliée produit toute la variété des composés ; cette force, dis-je, peut frapper légèrement et effleurer tout au plus la pensée humaine, mais elle n’y pénètre que très difficilement. Le système des Grecs sur les principes matériels suppose beaucoup de pénétration et de profondeur dans leurs recherches. Quant à ces principes du mouvement d’où dépendent les générations, ils n’ont eu sur ce sujet que des idées très superficielles et peu dignes d’eux ; et c’est principalement sur le point dont il est question ici, qu’ils semblent tous être aveugles et ne faire que balbutier. Par exemple : l’opinion des péripatéticiens, qui suppose