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BLAISE PASCAL

Il estoit pour alors à Roüen, ou mon pere estoit employé pour le service du Roy, et il y avoit aussy en ce mesme temps un homme[1] qui enseignoit une nouvelle Philosophie qui attiroit tous les curieux. Mon frere ayant esté pressé par deux jeunes hommes de ses amis, il fut avec eux ; mais ils furent bien surpris, dans l’entretien qu’ils eurent avec cet homme, qu’en leur debitant les principes de sa Philosophie, il en tiroit des consequences sur des points de foy, contraires aux decisions de l’Église. Il prouvoit par des raisonnements que le corps de Jesus Christ n’etoit pas formé du sang de la sainte Vierge, mais d’une autre matiere creée exprez, et plusieurs autres choses semblables. Ils voulurent le contredire, mais il demeura ferme dans ses sentiments. De sorte qu’ayant consideré entre eux le danger qu’il y avoit de laisser la liberté d’instruire la jeunesse à un homme qui estoit dans des sentiments erronez, ils resolurent de l’advertir premierement, et puis de le denoncer s’il resistoit à leurs avis. La chose arriva ainsy car il mesprisa cet avis : de sorte qu’ils crurent qu’il estoit de leur devoir de le denoncer à Monseigneur de Belley[2], qui faisoit pour lors les fonctions Episcopales dans le Diocese de Roüen, par commission de Monsieur l’Archevesque. Mgr  de Belley envoya querir cet homme, et, l’ayant interrogé, il en fut trompé par une confession de foy equivoque qu’il luy escrivit et signa de sa main, faisant d’ailleurs peu de cas d’un avis de cette importance qui luy estoit donné par trois jeunes hommes.

Cependant, aussi tost qu’ils virent cette confession de

  1. Jacques Forton, dit frère Saint-Ange. Vide infra, p. 350 sqq.
  2. Nous rectifions l’orthographe donnée par Mme Perier ; les différents manuscrits portent du Bellay.