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BLAISE PASCAL

certain nombre de gens [de grande condition][1] et de personnes d’esprit qu’il avoit connuës auparavant le venoient chercher dans sa retraitte, et demander ses avis ; d’autres, qui avoient des doutes sur des matieres de foy, et qui sçavoient qu’il avoit de grandes lumieres là dessus recouroient aussy à luy ; et les uns et les autres, dont plusieurs sont vivants, en revenoient tousjours fort contents, et tesmoignent encore aujourd’huy dans toutes les occasions que c’est à ses esclaircissements et à ses conseils qu’ils sont redevables du bien qu’ils connoissent et qu’ils font.

Quoy qu’il ne fust engagé dans les conversations que par des raisons toutes de charité, et qu’il veillast beaucoup sur luy mesme pour ne rien perdre de ce qu’il taschoit d’acquerir dans sa retraitte, il ne laissa pourtant pas d’en avoir de la peine, et d’apprehender que l’amour propre ne luy fist prendre quelque plaisir à ces conversations, et sa regle estoit de n’en prendre aucune où ce principe eust la moindre part. D’un autre costé il ne croioit pas pouvoir refuser à ces personnes le secours dont elles avoient besoin. Voilà donc comme un combat. Mais l’esprit de la mortification, qui est l’esprit mesme de la charité qui accommode toutes choses, vint au secours, et luy inspira d’avoir une ceinture de fer pleine de pointes et de la mettre à nud sur sa chair toutes les fois qu’on le viendroit avertir que des messieurs le demanderoient[2]. Il le

  1. Ces derniers mots manquent dans le manuscrit : il semble qu’il doit y être suppléé à l’aide du passage correspondant du texte de 1684 : « Cependant l’esloignement du monde, qu’il pratiquoit avec tant de soin, n’empeschoit pas qu’il ne vist souvent des gens de grand esprit et de grande condition, qui ayant des pensées de retraitte demandoient ses avis et les suyvoient exactement ; et d’autres qui estoient travaillez de doutes sur les matieres de la foy, etc. »
  2. Pratique conforme, semble-t-il, à l’usage de Port-Royal. Le