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BLAISE PASCAL

on sçait qu’il vouloit qu’un honneste homme evitast de se nommer, et mesme de se servir des mots de je ou de moy ; ce qu’il avoit coutume de dire sur ce sujet est que la pieté chrestienne aneantit le moy humain, et que la civilité humaine le cache et le supprime ; il concevoit cela comme une regle, et c’est justement ce qu’il pratiquoit.

Il n’estoit pas non plus incommode à personne sur leurs defauts ; mais quand il estoit engagé de parler des choses, il en parloit tousjours sans dissimulation ; et comme il ne sçavoit ce que c’estoit que de plaire par flatterie, il estoit incapable aussi de ne pas dire la verité lors qu’il estoit obligé de le faire. Ceux qui ne le connoissoient pas estoient surpris d’abord quand ils l’entendoient parler dans les conversations, parce qu’il sembloit tousjours qu’il y tenoit le dessus, avec quelque sorte de domination ; mais c’estoit le mesme principe de la vivacité de son esprit qui en estoit la cause, et on n’estoit pas long temps avec luy, qu’on ne vit bien tost qu’en cela mesme il y avoit quelque chose d’aymable, et qu’on ne fut à la fin aussi content de sa maniere de parler, que l’on l’estoit des choses qu’il disoit.

Au reste il avoit en horreur toute sorte de mensonge, et les moindres tromperies luy estoient insupportables ; en sorte que, comme le charactere de son esprit estoit d’estre penetrant et juste, et celuy de son cœur d’estre droit et sans amusement, celuy de ses actions et de sa conduite estoit la sincerité et la fidelité.

Nous avons trouvé un billet de luy où il s’estoit peint luy mesme sans doute afin qu’ayant continuellement devant les yeux la voye par où Dieu le conduisoit, il ne put jamais s’en destourner. Voicy ce que porte ce billet : « J’ayme la pauvreté, parce que Jesus Christ l’a aymée. J’ayme les biens, parce qu’ils donnent le moyen d’assis-